▬ CASSIOPEE & GABRIEL ▬
Mardi 26 Juin – 22h

S’il était une chose que j’aimais plus que les clopes et ma belle blonde, dans cet endroit, c’était la forêt. Quoi qu’en réalité, le jardin en général était un lieu où on me trouvait souvent, accompagné de l’une ou l’autre de mes deux autres passions. Et cette fois-ci, c’était avec une cigarette ou bord des lèvres que je m’accordais une ballade. J’allais mieux. La fièvre était tombée, quoi que, pas totalement, mais au moins je pouvais me décoller de mon lit pour prendre l’air. J’en avais besoin. J’arrivais finalement au niveau de la rivière, joli petit coin de carte postale. Sérieusement, comment se plaindre de cet endroit ? Je m’asseyais dans l’herbe et ôtais tout ce que j’avais aux pieds pour les mettre dans l’eau fraîche. Puis je ne laissais aller en arrière, allongé, simplement les jambes ballantes sur la rive, les membres frôlant la surface de la rivière. Comment se croire au paradis. J’amenais doucement ma cigarette à mes lèvres, nonchalamment, entendant venir un autre candidat à l’aide des bruissements de l’herbe sous ses pas. Au-dessus de moi se tenait bientôt Cassiopée. « Tu viens jouer les poissons morts avec moi ? » je lance en la regardant par-dessus mes lunettes de Soleil. Elles ne me quittaient plus depuis des jours, même lorsque le soleil était bas. Quoi qu'à cette heure-ci, il était assez faible pour ne plus me donner mal au crâne. Je les ôtais donc. D’une main je tapotais le sol à côté de moi, pour l’inviter à s’installer. De l’autre, je tirais à nouveau sur ma clope.

Un endroit que j'appréciais par dessus tout dans cette villa ? [...] La forêt. La rivière. Lorsque je venais au bord de l'eau, j'avais l'impression de revenir en enfance. J'avais eu la chance de grandir dans une grande maison au beau milieu de la nature, même si mes voyages vers la ville étaient plutôt du genre fréquents. Que voulez vous, c'était ça d'avoir une maman hôtesse de l'air et un papa qui travaille dans la finance. Les branches craquaient sous mes pieds. Je me baladais pour oublier un petit peu tout ce que j'avais en tête ces derniers temps. Les disputes puériles, les remarques désobligeantes dont je faisais l'objet, j'avais de plus en plus de mal à les supporter. De loin, je pouvais apercevoir la silhouette d'un jeune homme étendu dans l'herbe, les pieds dans l'eau. Il me fallait pas plus de temps pour reconnaître Gabriel. Un large sourire venait s'emparer de mes lèvres. Je l'appréciais, ce n'était un secret pour personne. Il avait un petit peu le rôle d'un grand frère. Je savais que je pouvais compter sur lui pour retrouver le sourire. Lui aussi ne tardait pas à me voir et à m'adresser la parole. Enfin quelqu'un qui ne le faisait pas pour m'insulter de tous les noms d'oiseaux. Je prenais place à ses côtés avant de laisser mes chaussures sur le bords, glissant, moi aussi, mes pieds dans l'eau pour m'allonger au beau milieu de l'herbe verte. Instinctivement, l'une de mes mains venait se poser sur son front. « Tu as encore un peu de fièvre. » Simple constatation. « Une bonne tasse de tisane bien chaude te ferrait le plus grand bien. » Je savais de quoi je parlais. Le remède d'Elias avait été efficace pour moi, il risquait bien de marcher pour ce grand gaillard. Mes doigts venaient frôler l'eau avant même qu'il ne s'aventurent sur le front du garçon. Un peu de frais lui ferrait le plus grand bien. Enfin, pour le moment du moins.

La petite Cassy prit place, allongée à côté de moi, elle aussi les pieds dans l’eau. Je lui adressais un fin sourire. Je pense qu’elle était le genre de compagnie dont j’avais besoin à cet instant. Légère, fraîche. Comme une douce brise. Sa main posée sur mon front, elle fit remarquer ce que je ressentais déjà très bien, soit que la fièvre persistait encore un peu. Son geste m’arracha un rire dans un souffle. Elle était mignonne. Elle suggéra ensuite une tasse de tisane. Sachant qu’en bon anglais que je suis, de famille un peu trop traditionnelle, je n’avais quasiment que du thé à la place du sang, alors je n’étais pas persuadé que c’était une boisson qui m’aiderait. « T’en fais pas, Maman, j’suis pas mourant. » je lui dis avec un sourire en dégageant doucement sa main de mon front. Posée sur l’herbe, je la garde entre mes doigts. « J’ai surtout besoin d’encore un peu de repos. » j’ajoute en fermant les yeux et en inspirant un grand coup. « Et toi, qu’est-ce que tu venais chercher par ici ? » A moins qu’elle n’était en train de me suivre, et là, je devrais peut-être m’inquiéter.

Le fait qu'il vienne m'appeler maman me faisait sourire. Je n'avais pourtant rien d'une mère. J'étais encore bien trop gamine pour avoir l'instinct maternel. En revanche, j'étais tout le temps aux petits soins pour les gens que j'appréciais et Gabriel avait réussi à entrer dans le cercle très fermé de ces personnes là. Comme un gosse refusant la protection de sa génitrice, il attrapait ma main pour la retirer de son front, mais il ne la lâchait pas pour autant. Il avait besoin de repos, chose que je pouvais comprendre, mais je n'avais pas envie de le laisser tout seul. Ma tête vacillait sur le côté, je l'observais. Par moment, j'avais l'impression qu'il pouvait jouer le rôle de l'un de mes grand frère. Quoi que ... je me m'amusais jamais à déshabiller mes grand frère tout donc eux ne trouvaient pas drôle de m'enfermer en tenue d'Eve dans la salle de bain. Notre relation était bizarre, je devais l'avouer. Sa vois s'élevait à nouveau. Ce que je cherchais par ici ? « Rien. J'avais besoin de me changer les idées et comme cet endroit me rappelle mon chez moi, c'est tout naturellement que je suis venu ici. » Mes épaules se levait. J'avais toujours cette manie de gamine et je ne savais même pas pourquoi. A mon tour, je poussais un soupir avant que mon regard ne se pose sur le ciel étoilé. « Regarde c'est Cassiopée. » Mon index pointait vers le ciel. Des années de camping à la belle étoile ça aide pour retrouver les constellations. Parce que oui, j'avais aussi le prénom d'une constellation en plus d'une reine. Hasard. Ou pas.

Je gardais les paupières closes, laissant la sensation de mes pieds frôlant l’eau me traverser le corps. Une sensation des plus agréables. En plus du ciel étoilé et assombri, de la brise fraîche, et de la compagnie de Cassiopée, le tableau était parfait. Même si je ne regardais pas la jeune femme, cela ne voulait pas dire que je souhaitais qu’elle me laisse. D’où le fait que j’ai gardé sa main dans la mienne. Enfin, aussi, elle arrêtait ainsi de me tripoter le front comme si j’étais souffrant. J’allais bien mieux. Cassy me répondit qu’elle cherchait à se changer les idées. Je me demandais immédiatement si quelque chose n’allait pas, ce qu’elle pouvait bien vouloir chasser de son esprit en prenant l’air. Ce qu’elle fuyait. Je ne m’interroge pas de la sorte pour n’importe qui. Je me fous des états d’âme de la plupart des gens, et ne fais même pas comme si je m’y intéressais. Mais la jeune femme était une amie pour moi ici, j’étais avec elle comme j’aurais aimé l’être avec ma sœur. Un énième point que j’ai foiré dans ma vie. Je soupirais à cette pensée. « Nostalgique de l’extérieur, déjà ? » je demandais quasi-timidement. Parce que quand je ne m’en foutais plus, je ne savais jamais quoi dire. Et j’en avais ras de bol de ma maladresse avec les mots. Elle m’indiqua la constellation qui portait son nom. J’ouvrais alors les yeux pour regarder. « Alors c’est de là-haut que t’es tombée ? » je demande avec un air naïf. Princesse tombée des étoiles, que c’est mignon, tiens.

Nostalgique de l'extérieur ? En entendant ces mots, une petite grimace venait prendre place sur mon visage. « Pas vraiment. » Pas du tout même. J'étais habituée à vivre loin de chez mes parents, loin de chez moi, même si je revenais assez souvent en Nouvelle-Zélande pour leur rendre visite. En réalité, j'avais plutôt peur de la réaction de mon père et de mes frères face à certains de mes actes dans cette villa. En à peine quelques semaines, ils venaient d'en apprendre bien trop sur ma vie. Et dire que je n'avais jamais osé présenter un seul garçon à ma famille. Bon, mise à part Noah, mais ce n'était pas pareil quand on venez à y réfléchir. Noah. Justement, j'allais avoir un sacré paquet de chose à lui raconter, à lui expliquer à lui, une fois que je sortirais de cette maison. « Mais j'aime bien me rappeler l'endroit où j'ai eu la chance de grandir. Ce n'est pas tout le monde qui peux se vanter d'avoir passer une grande partie de sa jeunesse dans une immense maison en plein milieu de la nature. Je commence même à me demander si Taziah n'a pas fait exprès de construire sa villa ici. » Un sourire venait border mes lèvres alors que je tournais très légèrement la tête vers Gabriel. J'avais l'impression que je pouvais tout lui dire à lui. Enfin, dans la limite du possible bien entendu. Soudain, mon regard était attiré par quelques étoiles qui brillaient dans le ciel noir. Cassiopée. La constellation. Je ne tardais pas à le faire remarquer à mon colocataire qui, lui ne tardait pas à me demander si j'étais tombée de là haut. Une remarque qui ne faisait qu'intensifier le sourire que je portais sur mon visage. « Peut-être bien. » Il ne croyait pas si bien dire. Après tout, j'étais peut-être l'une des descendante de la princesse Leia. Ou pas.

Je ne savais pas si Cassy avait la nostalgie de sa vie, restée à l’attendre derrière ces murs, mais quoi qu’il en soit, ce n’était pas mon cas. Pour rien au monde je ne troquerais ma place ici pour retrouver le placard à balai qui me sert d’appart. Pourquoi retourner au boulot –même si j’adore mon job et qu’à cet instant, penser que c’est quelqu’un d’autre qui va interviewer Jay-Z ou Jared Leto me tue- quand on peut rester là pendant des heures à simplement regarder les étoiles, les pieds dans l’eau, clope au bec ? Faudrait être sacrément con pour s’affliger un retour à la réalité. Cassiopée me répondit qu’à elle non plus, l’extérieur ne manquait pas. Je souriais, attendri par ses paroles. « Taziah a fait ça spécialement pour tes beaux yeux, j’en suis sûr. Ce vicelard te fait du charme, et c’te villa est faite pour te mettre en condition. Il est malin. » je lui réponds avec un sourire amusé, contredisant donc la rumeur disant que le propriétaire des lieux était gay ou mal baisé. Quoi que, ça ne l’empêchait pas d’être un frustré. A ma réplique au sujet de la constellation dont la jeune femme portait le nom, je lui adressais un nouveau large sourire. J’avais trouvé sympa, sur le moment, d’imaginer la petite Cassy tomber du ciel. Mignon, oui. Niais, carrément. « Alors c’est pour ça. Les moments où on te perd, comme ça, quand tu fixes un point et que t’as l’air complètement dans tes pensées. C’est parce que t’as la tête dans les étoiles, dans la lune, un truc du genre. » Notez le jeu de mots foireux, merci. Néanmoins, il y aurait presque un fond de sérieux, dans mon flot d’âneries. Parfois, Cassiopée quittait notre bonne vieille terre, soudainement, quand elle repliait ses jambes comme une enfant. Une habitude étrange, je trouvais. Mais pas plus étrange que certaines des miennes, je pense.