Nom d’un chien, je me suis enfin mis à faire la lessive. Il fallut attendre pour cela que je n’ai strictement plus rien à me mettre sur le dos. Mais maintenant que, grâce à Lizzie, la leçon avait été apprise, on me retrouvait plus souvent dans la buanderie. J’en profitais, petit à petit, pour transférer mes affaires d’une chambre à l’autre. Car j’avais en effet déserté la place qui m’était donnée pour m’installer chez les Sollya. Ma valise était, pour le moment, posée non loin du lit d’Ocyllie. La machine tournait ; j’étais installé sur le carrelage, à côté, yeux fermés. Attendant simplement que le temps passe. C’est sûrement ce que nous savons faire de mieux, dans les villas. Rester là à se tourner les pouces. C’était lassant, certes, alors je m’efforçais de trouver les moyens de bouger. Résultat, je vidais ma cagnotte et me faisais nominer. Bien, Gabriel, très malin, tu peux être fier. Sérieusement, qu’est-ce qu’il m’était passé par la tête ? Je cogne celle-ci contre le mur, exaspéré. Reprends-toi. J’entends la porte s’ouvrir et n’ouvre qu’à moitié un œil pour deviner qui entre. C’est l’Apollon national qui fait son entrée. Allez savoir pourquoi, j’ai un rictus amusé qui anime le coin de mes lèvres à chaque fois que je le vois. Que voulez-vous, il a au moins le sens de l’humour pour lui. « On vient faire fantasmer les ménagères de cinquante ans en jouant les beaux gosses qui savent laver le linge ? » je lance comme salut. Après tout, ce gars pourrait jouer dans une publicité pour une marque de lessive. Il suffisait de lui coller un T-shirt plus blanc que blanc sur le dos.

Quatorze heures retentissaient lorsque Beau décida de lever son joli petit cul de l’un des fauteuils du salon pour se rendre dans la buanderie où il avait laissé son linge tourner. Et oui, sa journée se résumait à cela. Se lever, faire un tour dehors, manger, se poser et occasionnellement faire la lessive. Enfin, mettre ses vêtements dans la machine, pas vraiment très compliqué, voilà pourquoi Gabriel arrivait à le faire. Et oui, à peine le bellâtre fut entré dans la pièce qu’il vit Gabriel, assit par terre. Haussant un sourcil, Beau observa un instant la buanderie, histoire de trouver ses vêtements qui, de toutes évidences, n’étaient plus dans la machine. Bingo, la panière. A ce moment précis, le candidat des Waratah ouvrit la bouche. « Exact, il est temps pour moi d’assurer mes arrières. » Il allait bientôt dégager de l’aventure, fallait bien qu’il se trouve une fille, riche évidemment et qui ne le saoulerait pas longtemps sur Terre. Blague. « D’ailleurs, j’espère que ta mère nous regarde. » Elle était facile. Cette blague, pas sa mère. Encore que, allez savoir. Bon celle si, il ne la dirait pas à Gabriel. S’approchant de la panière, Beau déversa sur la table ses vêtements secs. Maintenant, fallait les plier. « Alors même avec un tas de filles derrière toi, tu dois faire ta lessive ? » Quoi, c’était machiste ? Oups.

Puisque le bellâtre avait su se rendre populaire –ou plutôt, populairement impopulaire- grâce à ses répliques allant du moqueur au narcissique, je m’attendais forcément à avoir droit à la dose devant m’être attribuée en lui adressant la parole. Même pas peur. Au pire, il pourrait être distrayant, et m’aider malgré lui à faire passer le temps, en attendant que la machine termine son cycle. Il me répondit donc que s’exhiber dans la buanderie assurerait ses arrières. Aurait-il peur de nous quitter ? J’esquissais un sourire. A la remarque sur ma mère. Un rire m’échappait même dans un souffle. J’imaginais bien ma mère en très grande fan de Beau. « Depuis là-haut, j’suis certain qu’elle te mate H24. » Ou comment faire comprendre la bourde que ça peut-être de causer de ma génitrice. Mais je m’en fichais, au fond. J'dois être le seul gamin qui n'en a rien à battre. C’était cool d’en rire. Après réflexion, j’ajoutais ; « Mais, dans ce cas, c’est plutôt dans les douches qu’on devrait te voir, pour t’assurer le vote des pré-pubères en chaleur. » J’haussais les épaules. CQFD. Et moi alors, je n’avais toujours pas de bonne parmi mon harem ? –C’était en gros ce que je pouvais comprendre de la question de Beau. J’aurais volontiers rétorqué qu’il en était au même point, mais à l’inverse, à force de faire fuir ces demoiselles présentes dans les villas. Ce que je fis, d’ailleurs, parce qu’au final, j’en avais envie. « Toi aussi, mais le tas de filles en moins. » Je fermais à nouveau les yeux et laissait la tête tomber en arrière, posée sur le mur que la machine faisait vibrer. « En fait, j’essayais de garder mon public, jusqu'à ce que tu me casse la baraque. » j’ajoute, insinuant que j’avais pour seules admiratrices ces chères ménagères, et que la présence de Beau risquait de me porter préjudice.

Evidemment, parler des mères c’était bas et surtout lorsque cette dernière était morte. Mais bon, hein, c’est la vie, que voulez-vous ? « Dommage, le réseau ne doit pas passer. » Ouais, elle ne pourra donc pas appeler pour voter et le sauver la prochaine fois qu’il sera nominé, vous suivez ? Qu’importe. Ah ouais, il aurait aussi put s’excuser mais non, comme dit précédemment, tout le monde doit mourir un jour et mieux valait que ce soit les vieux d’abord. Bref, Gabriel reprit, disant qu’il serait aussi bien de le voir dans la salle de bain, à cause des adolescentes, tout ça. « Je ne veux pas causer quelques infarctus et risquer de perdre mon public. » Ouais, le public de Beau était sans doute les personnes moins idiotes et qui ne gloussaient pas à longueur de temps, malheureusement pour lui, ces gens là ne perdaient pas leurs temps à voter. Tant pis. « Et puis je ne voudrais pas te voler ton public. » Les adolescentes, c’était son truc, pas de doute. Et voler quelque chose à Gabriel n’aurait pas du tout été le genre de Beau, évidemment. Passons. Le candidat évoqua le fait que Beau aussi devait laver son linge, précisant qu’il n’avait pas un tas de fille derrière lui. Ouais, heureusement, avoir Lizzie – notamment - derrière soit était du suicide. Manquerait plus qu’elle tombe sur lui et c’était l’étouffement assuré. Bref. Alors que Beau continuait de plier son linge, il reprit finalement. « Oh allez, on sait tous que ton public ne te lâchera pas. » Le ton était neutre, même si Beau était quelque peu irrité. Gabriel voulait pas qu’on le plaigne non plus, nan ?

Beau, causer des infarctus ? Pas con ; dans ce cas, il ferait mieux de se cantonner à la buanderie, en effet. Moins glamour, néanmoins. Ah, pauvre de lui... C’était toute une gymnastique pour se trouver, et garder un public. La vie est dure pour les beaux gosses. On s’amusait parfois à me faire la remarque. Elias et Lizzie en tout cas n’y avaient pas manqué, avec ironie. Beau était néanmoins la preuve que l’allure de mannequin ne faisait pas tout. Le pourcentage de grande gueule y était aussi pour quelque chose pour la survie dans l’émission. C’est pourquoi je voyais bien Elias aller loin, trop loin. « Trop généreux de ta part. » je répondais à Beau au sujet du public censé m’appartenir. Que ce soit les ménagères ou les adolescentes, je m’en fichais bien. Du moment qu’elles étaient assez crédules pour balancer des votes, ça m’allait. « Mais t’attends pas à quoi que ce soit en retour. » De toute manière, je n’avais rien à proposer en retour à un gars comme lui. Comme quoi, au juste ? J’en savais rien moi-même, je ne cherchais pas à comprendre Beau, à le cerner. Après tout, il ne s’en donnait pas la peine pour les autres, non ? On s’en fout. Sa remarque me fit tilter, je me redressais et l’observait un instant. Tout le monde sait que « mon » public ne me lâchera jamais, sauf moi. Dingue le nombre de devins qu’abritait cette baraque. « Je parie avec moi-même que j’serais pas le premier à rentrer, au prime. Tu veux miser ? » je lance avec un rictus amusé. Je pense qu’il était assez bien placé pour comprendre pourquoi je pensais cela. Après tout, le retour de Quicy la semaine précédente était… inespéré ? Et je voyais bien l’évènement se reproduire.

Généreux. Beau l’était. Mais pas dans ce jeu. Quoique. Le candidat avait surement fait quelques bonnes actions sans même s’en rendre compte, c’était ça d’être parfait. Suite à la réplique de Gabriel quant à la générosité de Beau, ce dernier se tourna un instant vers lui afin de lui accorder une expression qui semblait vouloir dire « Que veux-tu, je n’y peux rien. » Ouais, c’était de l’ironie. Le candidat assit préféra préciser qu’il ne fallait rien attendre en retour de lui. Ce bellâtre d’australien se mit d’abord à sourire. « Tu m’étonnes. » Glissa-t-il entre ses dents, malgré le bruit de la machine à laver, Gabriel avait du entendre. Pas comme si Beau s’en souciait. Bref, non vraiment, Beau n’attendait rien de Gabriel et lui ne devait rien attendre en retour. Finalement, ils se mirent à parler sur la finalité du prochain prime. Beau était certain que le candidat s’en tirera à merveille, Gabriel, quant à lui, préféra jouer les modestes et se dire qu’il ne serait pas le premier à revenir. Si ce n’était que cela. Un pari ? « Si seulement tu pouvais avoir raison. » Quoi, ce n’était pas suffisamment clair ? Sous-titre : Ne sois pas le premier, ni le second, ni […] et casse toi. Pas que Beau ne l’appréciait pas, enfin si, mais ça ferait un concurrent en moins, c’était toujours ça. Puis pour une autre raison aussi, mais ce n’est pas le sujet. « Mais je dirais quand même que tu seras le premier à rentrer. Et de loin. » En fait, Beau voulait aussi voir partir les autres alors l’un dans l’autre, hein. Ouais, ça allait être un prime libérateur. Sauf lorsqu’on annoncera que Gabriel aura eu un maximum de votes et là, il ne se sentira même plus pisser. « Tu veux parier quoi ? » Allons-y, Beau se savait gagnant. Amen, il gagnerait au moins un truc dans cette aventure.

Je ne prêtais pas attention aux piques que m’envoyait Beau, assez bas pour faire comme s’il ne voulait pas vraiment que j’entende, mais assez haut pour que je puisse clairement les comprendre. Je les remarquais, les notait, et les oubliais aussitôt. Je me voyais mal perdre mon temps et ma saliver à toutes les souligner, et répondre à chacune. Nous n’étions pas amis, sûrement pas, juste colocataires. Nous n’avions pas le moindre atome crochu. Mais au final, on ne nous demandait pas plus que de nous supporter, d’éviter de nous entre-tuer. Ce qui n’était pas compliqué pour moi ; je n’avais rien contre lui. Il n’hésita pas à montrer son envie de me voir dehors. J’esquissais un rictus amusé, narquois, me demandant si je devais le prendre personnellement, ou bien s’il voulait simplement voir un candidat dehors. Mon sourire ne me quitta pas, jusqu’à ce qu’il faille trouver quoi parier. Je ne savais quoi mettre sur la table, Beau semblant blasé par tout, désintéressé de la plupart des choses, sauf peut-être de lui-même et de la victoire. Je réfléchissais –oui, pour de vrai- en l’observant plier son linge. « Un mois de lessive. » je lançais finalement en l’air, haussant les épaules. « Ca compensera le tas de filles qui ne s’en occupe pas à ta place. » Et non seulement ça m’occupera, mais en plus je pourrais faire plus ample connaissance avec le sol de la buanderie. Magnifique.