▬ OCYLLIE & GABRIEL ▬
Lundi 11 Juin – 20h30

Cette sale gosse, j’vais finir par la tuer. Je peux l’adorer autant que je veux, adorer passer du temps avec elle, voir même des journées entières, il y a des fois où, comme n’importe qui, elle me sort par les yeux et me donne des envies de meurtre. Ce qui est chiant, ce que non, impossible de m’énerver, impossible de lui en vouloir. Lizzie est comme ça, point c’est tout. Sûrement en manque de Cleveland pour faire les quatre-cent coups, elle avait profité d’un moment où j’étais sous la douche pour dissimuler mes affaires quelque part dans la maison. Après les cachettes évidentes comme sous les lits de la chambre de l’équipe, les placards de la cuisine ou le cellier, j’en venais à étendre mes recherches au reste des villas. Je ne me suis toujours pas décidé à faire une lessive avec mes vêtements sales, feignant comme je peux l’être. Ces fringues étaient les derniers portables après ceux que j’avais sur le dos. J’avais plutôt intérêt à mettre la main dessus. J’en arrive à la chambre Sollya, vide. Plus qu’à me taper tous les tiroirs des commodes, les lits et dessous de matelas. C’est parti.

Je n’avais rien à faire. Je pensais que ces fameuses retrouvailles de vendredi dernier aller embellir ma semaine ; finalement, je me faisais presque autant chier. Je tournais en rond sans pour autant chercher la compagnie. Je m’entendais plutôt bien avec ma solitude. Histoire de me trouver plus t’intimité encore avec celle-ci, je n’eus pas d’autres idées que de rejoindre ma chambre, mon lit, mes draps. Une bonne sieste ne pourrait pas me faire beaucoup de mal. Mes cernes approuvaient. Ainsi, j’ouvrais la porte du repère des Sollya. Qui vois-je ? Gabriel, le nez dans les tiroirs. De Cassiopée si je ne me trompais pas. Tout en avançant vers mon lit, je lui lançai. « Pas la peine de chercher les petites culottes de Cassio. » Je m’allongeais sur mon lit avant de reprendre dans un soupire « Elle n’en porte pas. » Je ne savais pas ce qu’il foutait ici. Je ne sais pas si j’avais réellement envie de le savoir. Je doutais que se soit pour renifler les culottes de la demoiselle citée plus haut. Mais bon. Je lui adressais un bref sourire, le temps que je me remémore que : ‘nous sommes en froid’.

J’avais entendu les pas résonner dans la chambre, me fichant pas mal de qui cela pouvait être. Je faisais comme si de rien n’était. Comme s’il était tout à fait normal de fouiller dans les tiroirs des gens de la sorte. Que les gens se mêlent de leurs affaires. Néanmoins, je n’avais pas entendu que les pas allaient en s’approchant, et la voix qui se fit entendre m’arracha un discret sursaut. Je reconnaissais évidement Ocyllie à son timbre, ce qui ne me poussa pas à lui adresser un regard. Je ne réponds pas à sa remarque, fermant simplement le tiroir d’un coup sec. Les sous-vêtements de Cassy, c’est ça. J’étais en mesure d’affirmer que la jeune femme en portait, contrairement à ce que disait la belle blonde, mais j’allais m’abstenir de faire la remarque. Je me retourne finalement et m’appuie contre la commode. « Qu’est-ce que je dois piger de ton cirque de l’autre soir ? » Je demande, ne désirant pas passer plus de temps à ne pas comprendre ce qui m’est arrivé lors du prime. Je ne sais plus comment je dois considérer la manière dont elle m’a accueilli après la manière dont elle m’a lâché. Je reste, depuis, persuadé de m’être trouvé une nouvelle demoiselle à qui être le jouet.

Directement, il passait à l’attaque. Qu’est-ce qu’il avait à piger de mon cirque de l’autre soir ? Quel cirque ? J’hallucinais. En large et en travers. J’hallucinais. C’était donc comme ça. Il allait me faire porter le chapeau. Je persistais à croire que c’était sacrément un chic type, ce Gabriel. Vraiment. « Mon cirque ? Donc tout ça, c’est ma faute ? » Je devais tout de même lui faire remarquer la chose. Bref, je me redressais, assise en tailleur, sur mon matelas. « Portes un peu tes couilles. C’est moi que tu bâillonnes quand c’est Lou qui me parle mal. Et c’est moi le problème ? » J’essayais de ne pas paraître trop agressive. J’essayais. Un laps de temps s’écoulait. J’avais posé mon regard sur mes mains. Nerveusement, mes doigts s’entrecroisaient. Cet idiot m’énervait. Beaucoup plus que je ne l’aurais cru. Finalement, je soupirais longuement. « Me défendre au lieu de protéger l’autre conne c’est peut-être trop te demander… » Lui dis-je plus calmement, plus doucement. Au fond, moi aussi je pouvais me révéler fragile. C’était dans ces cas-ci que j’espérais son soutien. Je n’en attendais pas plus. Pour moi, c’était une évidence. Le défendre. Pour lui, ça ne semblait pas l’être. Me défendre. Mais si rien que sur ce point nos opinions divergeaient, je redoutais la suite de notre discussion.

J’avais autant envie de tourner autour du pot que de continuer à être en froid avec elle, ce n’était pas une situation que je voulais voir durer, un état dans lequel je ne voulais pas rester. Autant immédiatement savoir à quoi m’attendre, à quoi m’en tenir. Qui sait, j’étais peut-être à côté de la plaque en pensant qu’elle avait de l’affection pour moi, je voyais peut-être ce que je désirais voir. Et au final, je serais en train de me faire mener en bateau. Après tout, je suis naïf, c’est pas quelque chose que je peux nier. Observant Ocyllie, j’écoutais sa réponse sans un bruit. Je gardais mon étonnement pour moi. Sa vision des choses était si différente de la mienne que j’avais du mal à comprendre comment elle avait pu interpréter mon geste de la sorte. Mais au moins, c’était dit. Je me pince les lèvres, cherchant comment lui répondre. Sauf que je suis bien trop naze avec les mots, les discours ne sont pas ma tasse de thé, je ne sais jamais exprimer ma pensée ou mes sentiments. C’est rarement aussi handicapant qu’à ce moment-là. « Je te protégeais… toi, plutôt. Enfin, je voulais éviter que ça tombe dans la connerie d’un ‘à qui sera la plus mesquine avec l’autre.’ Pas le soir où j’te revoyais, quoi. » Je soupire. Bref, j’suis un idiot, c’est ça ? Ou mieux. « Là, c’est le moment où tu me balance j’suis lâche. » j’ajoute en haussant les épaules. Oui, parce que ça serait sûrement trop beau qu’elle comprenne que je pensais bien faire sans qu’elle ne m’enfonce encore un peu avant.

Je ne comprenais pas. Il devait être trop subtile pour moi. Sûrement. Parce que, non, je n’arrivais pas à comprendre comment il m’avait protégé, surtout face à Lou. Mais bon, pourquoi s’obstiner. Il disait qu’il cherchait à éviter que l’on tombe dans ce fameux cercle vicieux du ‘j’aurais le dernier mot’. La prochaine fois, il dira ‘ta gueule Lou’, ça ne pourra pas être pire. Néanmoins, il se rattrapait sur la fin. J’en souriais délicatement, tout en m’efforçant de baisser la tête. Non, je ne voulais pas qu’il puisse s’estimer fier de lui. C’était le moment où je devais lui balancer qu’il était lâche. « Tu n’es pas lâche. » C’est vrai, ça ne faisait pas de lui quelqu’un de lâche. Je ne l’ai trouvé lâche ; pourtant dieu sait que je l’ai déjà trouver être beaucoup de chose. Je l’ai trouvé égoïste, égocentrique, maladroit et malhabile, naïf, influençable, irréfléchi, enfantin, parfois même sot, mais aussi courageux, culotté, ambitieux, droit, franc, sincère, sensible, presque juste. Dans certains de mes rêves il endosse même une cape et des collants. Et je ne fantasme pas sur superman. Mais non, il n’était pas lâche. « T’es nul, c’est tout… » Murmurai-je en haussant les épaules. J’essayai de contenir un sourire railleur, en vain. Je suis rancunière, habituellement. Aujourd’hui, je n’arrivais pas à l’être. Décidément, je hais sa gueule d’ange et les remords qu’elle arrive à m’infliger. Je ne me remets jamais en question, si ce n’est quand il me dévisage de ses yeux pétillants. Il devait le faire exprès. J’espérais. Sans quoi, je m’en voudrais plus encore. Je lui fis un léger signe de la tête, espérant qu’il me rejoigne et qu’il me prenne dans ses bras.

J’suis pas lâche. Ça m’arrache un sourire. Quelque chose me dit qu’elle répond une telle chose juste pour ne pas me donner raison. Je sais qu’au fond, j’aurai pu mieux agir. Je ne pense pas que l’on peut me reprocher d’avoir voulu fuir le conflit ce soir-là précisément, de ne pas avoir voulu prendre parti, de n’avoir absolument rien dit. Mais c’était tout de même une fuite. Même si, à la suite du prime, j’avais accablé Lou, cela ne remplaçait pas des paroles devant Ocyllie. La défendre, comme elle le dit, ne serais-ce que pour prouver qu’elle peut compter sur moi. Je ne reconnaîtrais jamais la part d’égoïsme dans mon acte, jamais. Néanmoins, la leçon était imprimée. Oui, je suis plutôt nul. Plutôt très nul. « Le Dieu des Nuls. » je renchéris avec un haussement d’épaules et un sourire amusé. Surtout parce que je me sens coupable. Coupable de ma paranoïa. Le petit doute qui ne me lâche pas. Lorsqu’on agit comme elle, que l’on accepte de parler et de pardonner, est-ce que ce n’est pas, quelque part, la preuve que l’on tient à quelqu’un ? Malgré tout, je ne sais toujours pas si elle est vraie avec moi, ni quel est vraiment ce « nous » dont on parlait il y a quelques semaines. Où Nous en sommes. Et je me retrouve à nouveau avec le problème d’être incapable d’articuler la moindre question, parce que les mots sont des enflures avec moi. Et puis, comment prendrait-elle une telle interrogation ? D’ici que je parvienne à la vexer, comme je sais si bien le faire. La belle blonde me fait un signe de tête, la rejoindre. Je lui souris, n’étant plus qu’une crème glacée fondue à l’intérieur. Sans trop me faire prier, j’approche et m’assied près d’elle. Doucement, je glisse mes bras autour d’elle et l’attire contre moi. Après quelques secondes, les doigts glissant dans ses cheveux, j’inspire un coup pour réussir à demander ; « Pour toi, qu’est-ce qu’il y a entre nous ? » Et je suis encore entier –peut-être pas pour longtemps, mais quand même-, miracle.

Le Dieu des nuls. Il ne croit pas si bien dire. Mais dans ce cas je serais la déesse. Sa déesse. Que je sois nulle ou pas. Il s’approchait, s’installait, me prenait dans ses bras. Je ne m’y suis jamais sentie aussi bien. Je remontais l’une mes mains dans son dos, sur ses omoplates pour finalement la poser à travers son cuir chevelu tandis que l’autre traînait dans sur son épaule. Je m’évadais à travers l’exquise odeur de son parfum, mon crâne reposant contre le sien. Les secondes étaient longues et trop courtes à la fois. Et bien vite, sa voix se fit entendre : ‘Pour toi, qu’est-ce qu’il y a entre nous ?’ Je n’aimais pas ce genre de question ; je peux les poser, pas à y répondre. Je craignais d’autant plus la question piège. Comment est-ce que je pouvais savoir ce qui se passait entre nous ? Mais ce n’est pas comme si je découvrais la question… Depuis de nombreuses journées elle me torturait l’esprit. Mais par simple facilité, ou lâcheté, je ne m’y étais jamais attardé. Je m’efforçais de trouver un qualificatif adapté, même si je doutais qu’un nom puisse traduire ce que je ressentais à ce moment précis. « Des étincelles. » murmurai-je, d’un souffle. Uniquement dans le sens le plus positif que l’on puisse en tirer. Je ne voyais que ça entre nous. Des étincelles. Toute une flopée. Qui m’éblouissait et me piquait les yeux au point de me rendre aveugle, par moment. Douces et plaisantes, malveillantes et piquantes, à la fois. Ce sentiment mêlant le bonheur à la haine. Ce qui rendait ma jalousie maladive. C’était effrayant. Et pourtant je ne voulais pas m’en passer. Je décalais mon visage face au sien. Mon regard plongeait dans le sien. Je le redécouvrais, à chaque fois que j’osais le dévisager. Avant qu’il ne glisse sur ses lèvres. Ca aussi, c’était détestable ; cette manie de vouloir m’en emparer, nuit et jour, à chaque instant. Comme une première fois, je m’en approchais doucement. D’un geste délicat et soigné, je capturais sa lèvre inférieure. M’en détachait pour lui dérober, immédiatement, un baiser plus prononcé. J’entrouvris mes lèvres, laissant ma langue aller à la rencontre de la sienne, l’embrassant enfin comme l’envie me priait de le faire. Après une poignée de seconde, je rompis ce baiser en cognant délicatement mon front contre le sien, rouvrant peu à peu mes paupières, retrouvant rapidement de mon regard embrumé de douceur, le sien. Pour moi, c’était ça, ce qu’il y avait entre nous. « Qu’est-ce que tu voudrais qu’il y ait ? » lui demandai-je.

Depuis des jours, cette question méritait d’être posée. Sans quoi nous avancions dans une sorte de terrain vague et brumeux, sans savoir où mettre les pieds et vers quoi nous allions. Mais suite à ces deux semaines de séparation, j’étais certain d’un point ; pour moi, il y avait quelque chose. Le quelque chose qui rend difficilement supportable de ne pas la voir durant autant de jours, ou de ne pouvoir que l’observer, impuissant, jouer avec un autre ; qui fait regarder la porte, guettant son arrivée ; qui donne envie de capter son regard bleu, de capturer ses lèvres, pour ne plus les lâcher. Ce truc qui fait tambouriner, serrer, compresser, retourner le cœur. J’étais là à avoir soif d’elle, de sa présence, de son sourire, de sa voix, sans savoir si je m’aventurais réellement sur une route à double sens. Je devais savoir quel était le fond de sa pensée, l’entendre traverser ses lèvres. Je la gardais encore quelques secondes contre moi, à passer mes doigts entre ses mèches blondes, yeux fermés. Sa réponse, énigmatique pour moi, se fit entendre. Des étincelles. Mon regard, interrogateur, trouva facilement le sien, doux et tendre. J’ai le cœur au bord des lèvres ; elle s’en empare avec un baiser. Avec plusieurs longs baisers ; j’y répondais en approchant un peu plus son visage, doucement, d’une main sur sa nuque ; en attrapant ses lèvres lorsqu’elle me les offrait. Ses étincelles viennent pétiller derrière mes paupières closes. Quand je les rouvre, à peine détaché d’elle, je les retrouve dans son regard pendant la poignée de secondes magiques où leurs yeux brillent après un vrai baiser. « Qu’est-ce que tu voudrais qu’il y ait ? » L’esquisse d’un sourire étire mes lèvres. « J’aime beaucoup les étincelles. Et parfois, des feux d’artifices ? » Mon sourire s’élargit ; depuis longtemps je n’ai pas connu cet état apparenté à l’euphorie. Ce moment où l’on est assez heureux pour se foutre du reste. Mon front resté contre le sien, je ferme une seconde les yeux. Sa présence a quelque chose d’enivrant. Ma main glisse jusqu’à sa joue, j’en caresse la peau du bout du pouce. Finalement, je m’approche à nouveau pour attraper ses lèvres. Je dépose un baiser léger, doux, furtif, presque craintif, auquel s’en suivit un second bien plus prononcé, plus long. Amoureux, comme on dit. Lui dire me brûle, mais ce ne sont pas des mots que je suis capable d’articuler ainsi.

Mes doigts filaient dans sa nuque, à travers ses cheveux, le long de sa joue, sans jamais se tenir. J’aurais voulu le croquer. Tout en entier. Il le fit le premier en m’arrachant un nouveau baiser. Puis un second. Je pensais mes envies maladives, désormais, je savais que je n’étais pas la seule atteinte. Et comme si cela n’était pas suffisant, j’en redemandais, accentuant, appuyant, chaque approche de ses lèvres, la souhaitant unique et brillante, comme une étoile. M’en contenter ? Jamais. Et pourtant, je m’en détachais. Je reculais légèrement mon visage, sans pour autant me défaire de son étreinte. Sans jamais cesser de l’observer. Des feux d’artifices, disait-il. Je ne pouvais qu’acquiescer. Toute une nuée. Rouge. Jaune. Vert. Bleu. Violet. Comme un arc-en-ciel. En concurrence direct avec ceux du quatorze juillet. Et même si ce n’est qu’éphémère, ça n’en restait pas moins fabuleux. « Et des éclairs. Voire, toute une tempête. » Mon sourire s’accentuait dans un coin de mes lèvres. Une tempête, certes, mais jamais plus de deux jours. Bienheureusement. Il n’avait qu’à pointer le bout de son petit nez et à me faire ses yeux éclatants de bonté et de regrets pour que je fonde, littéralement. Il me rendait faible. Trop faible. Presque misérable. Je ne lui résistais pas. Je n’y arrivais pas ; n’avais même pas le courage pour essayer de le faire. Je devenais une de ces pitoyables petites personnes que je m’obstinais à détester. N’était-ce pas pathétique ? Le paradoxe étant que j’en rayonnais, naïvement. Mes pupilles pétillaient de milles feux sans que je n’y trouve une quelconque raison. Si ce n’est celui qu’elles observent. Mes mains glissaient dans son cou, sur ses épaules, contre sa poitrine. Et finalement, d’une légère poussée, je l’invitais à s’allonger en arrière. Je l’y rejoignais aussitôt. Quatre pattes au dessus du jeune homme, je me laissais guider par mes pulsions les plus secrètes, sans pour autant leur être soumise. Je me laissais aller à lui voler un baiser, d’un esprit plus fougueux, alors que l’une de mes mains s’en aller découvrir en long et en large son buste, sous de délicates caresses. Mais nous en resterons là. Je détachais peu à peu mes lèvres des siennes alors que je m’allongeai à ses côtés. Mon regard flottait dans le sien. A présent, tout cela n’en était pas moins qu’une évidence. Lui. Moi. Je ne pouvais plus le nier. Ou peut-être, ne le voulais plus.

Des éclairs, la tempête. Oui, quelque chose me dit que nous n’allions pas y échapper. Puisque d’après ce que nous avions pu expérimenter, elle et moi étions différents sur un certain nombre de points. Vous me direz que c’est tout ce qui fait la richesse d’une relation. Une relation. Officialisée ou pas, je n’en savais trop rien. Nous, nous savions désormais dans quoi nous avancions. Au fond, que cela soit clair dans l’esprit du reste des candidats était inutile. Personnellement, je me fichais de leur avis. Quand je suis noyé dans ses iris bleus, je me fiche, autant dire, de tout. Quand ses lèvres rencontrent les miennes, il n’y a plus qu’elle. Et dire que je ne savais même pas comment j’avais pu me retrouver dans cet état. Elle m’a toujours plu. Plus encore à chaque fois que je m’embourbe dans ma propre nullité et qu’elle m’en sort avec panache. En toute sincérité, à quel moment pourrait-il apparaitre que je mérite la jeune femme ? A quel foutu moment a-t-elle pu développer de l’affection pour moi ? Non, je ne chercherai pas à comprendre, je ne pose pas les questions dont je ne veux pas connaitre les réponses. La seule qui méritait d’être posée jusqu’alors avait trouvé sa solution, je n’avais alors besoin que de cela. De savoir qu’elle était bel et bien là. Je sentais ses caresses, les quelques frissons qu’elles m’arrachaient. Je gardais ses lèvres prisonnières, puisque le reste lui appartenait. Je me laissais allonger sur le matelas, réceptionnais un énième baiser auquel je répondais par quelques pressions sur sa nuque. Je frôlais sa jambe, du bout des doigts, le long de sa silhouette, suivant la courbe de ses hanches. Elle s’interrompt, abandonne un dernier baiser. Puis s’allonge près de moi. Je me tourne sur le côté pour me trouver face à elle, un bras sous ma tête. Un court silence s’installe, l’esquisse d’un sourire anime ma bouche. « Eh. » je murmure, de manière inutile, c’est vrai. « J’avais raison. » Peut-être ne voit-elle pas de quoi je parle. Moi je me souvenais de nos conversations. « T’es devenue folle. » Mon sourire s’élargit un peu. Je faisais référence au soir où elle m’avait fait remarquer qu’elle était parvenue à me supporter plus de deux semaines. En effet, ce délai est bien dépassé désormais. J’avais prédit qu’elle perdrait la raison. Je pense avoir vu juste. Pour être ici, à cet instant, avec le Dieu des nuls, il ne faut pas avoir toute sa tête. Mais je plaisantais. Jusqu’alors, mes doigts frôlaient doucement sa joue, à peine, légèrement. J’avais cette envie de l’embrasser à nouveau, mais n’y cédais pas. Je ne pouvais pas non plus plier à ce désir, brûlant, de l’avoir pour moi nuit et jour. Néanmoins, je fis glisser ma main le long de ses courbes jusqu’à sa cuisse que je ramenais quelque peu contre moi, et caressais du bout du pouce. « T’es magnifique. » je souffle, remarquant que je ne lui avais jamais dit que je la trouvais belle. Une remarque peut-être étrange. Mais au fond, comment ne pas le dire, quand ses prunelles brillent pour vous ? Le pire demeure d'être incapable d'articuler ces trois foutus mots, d'avoir le coeur serré, mes dents passant sur mes lèvres trop closes.

Il m’interpella. M’avoua qu’il avait de raison. Par rapport à quoi ? Je ne voyais pas. Mes sourcils s’arquaient. J’attendais la suite. Elle arriva. Je suis devenue folle, dit-il. J’en soufflai un léger rictus. Folle ? De lui, peut-être. Sûrement, même. Rien de nouveau, à mes yeux en tout cas. Mais s’il le remarquait enfin, tant mieux. J’amenais deux doigts sous son menton, les y laissais glisser. « De toi, je l’ai toujours été. C’est juste que tu ne l’as jamais remarqué. » lui dis-je, doucement, alors qu’un fin sourire s’étirait le long de mes lèvres. Toujours était un grand mot. Très grand. Surtout quand il se résumait à quelques semaines. Pourtant, cela me semblait si évident que le temps avait perdu toutes limites et contraintes. Et je n’avais qu’à déposer mes yeux sur le damoiseau pour me donner raison. J’en devenais ridicule. Je me trouvais ridicule. Et je ne sais pas si le pire est de l’être, ou d’en être conscient mais ne rien y faire. Vraiment, oui, je devenais folle. Et c’était sa faute. Il m’avait infecté, contaminé. Et je craignais à présent que son ânerie en fasse autant. Mais je ne lui en voulais pas. Je n’arrivais pas le blâmer, jamais. Parce qu’il a beau me torturait l’esprit, le tourmenter, l’emprisonner, je n’avais jamais été aussi épanouie. Je l’observais. Toujours et encore ; le laissait glisser ses doigts le long de mon corps, sans chercher à les arrêter. Il mena l’une de mes cuisses contre lui, sans s’y détacher ensuite. ‘T’es magnifique’, me dit-il. Rapidement, un nouveau sourire fit éruption sur mon visage. Cet homme m’éblouit, mais je suis magnifique. J’approchais mes doigts de sa joue, les y glisser, jusqu’à se perdre dans ses cheveux. Puis s’était à mes lèvres de survenir, pour cette fois ci, se coller aux siennes. Inestimable baiser fugace. Merci, à ma manière. Je reculais légèrement. « Tu l’es bien plus. » Parce que contrairement à moi, il ne l’était pas qu’en surface. Même dans ses défauts je lui retrouvais des qualités. C’était invraisemblable. Inhumain. Surtout de ma part. Je reposais ma tête contre la sienne, fermais les yeux. J’étais bien. Si bien, qu’il était inconcevable que je songe à me relever un jour. Une de mes mains rejoignait sa nuque, de quelques doigts, je jouais avec ses cheveux. « Dors, ici, avec moi. » lui demandai-je doucement, sous cette affirmation discourtoise. Ne serait-ce que pour une nuit. Ou deux. Voire trois. Quatre. Ou le temps qu’on mette à la porte. Je ne lui laisserais pas l’opportunité de refuser cette proposition. Je ne partage pas mes draps avec quiconque.

Elle a toujours été folle. De moi, dit-elle. Mon regard, jusqu’alors plongé dans le sien, fuit quelques secondes, gêné. Elle le sait, ce genre de paroles a le don d’empourprer mes joues. C’est trop ridicule pour que je l’assume. Non, c’est vrai, elle a raison, je n’ai jamais remarqué. J’étais persuadé d’être tout au plus un béguin, jusqu’à ce soir. Maintenant mon esprit s’embrouille, j’avance à la lumière des étincelles. Elle près de moi. J’allais à l’encontre du choix de la production pour ma partenaire ; la belle blonde me correspondait bien plus que Marilou ne l’aurait jamais pu. Moi qui pensais avoir pourtant précisé, insisté, sur le fait qu’il était exclus pour moi d’avoir affaire à une nunuche. Non, Ocyllie était à l’instar de ce que je recherchais réellement chez une femme. Parfaite ? Pour moi, elle l’était quasiment. Mon regard retrouva ses iris bleus, je m’y noyais volontiers. Je m’y sentais bien. Les caresses de ses doigts dans ma nuque m’arrachaient parfois un frisson chaud. Elle approcha son visage pour m’offrir un baiser ; attrapant doucement sa lèvre inférieure, je fermais un court instant les yeux, appréciant le contact électrique de sa peau. Elle demeura assez près pour que je puisse sentir son souffle et sa chaleur, douce et agréable. Comme à chaque fois que je l’observais, je me laissais happer par sa présence. Certes elle était magnifique, comme je le lui disais alors, mais elle n’avait pas que cela pour elle. Je ne pense pas pouvoir affirmer réellement la connaitre en quelques semaines, mais ce que je sais me plait. Ce que je vois en elle, c’est aussi ce qui la rend belle. Elle me retourne mes paroles, ce qui m’arrache un sourie. Oh non, je suis le genre un mec un peu idiot qui tente en vain de dissimuler sa longue liste de défauts. Mais je suis flatté qu’elle dise cela. Je pose doucement un baiser la commissure de ses lèvres pour la remercier. Elle m’invite ensuite à passer la nuit avec elle. Sans l’attendre, j’espérais qu’elle le demande. Je n’avais pas envie de me séparer d’elle ce soir. Un sourire étire alors mes lèvres ; « D’accord. De toute manière, je ne comptais pas t’abandonner ce soir. » A moins qu’elle ne l’ai demandé. J’ajoute ensuite, un brin malicieux ; « Je te préviens, je dors sans rien sur le dos. » Je plaisantais, mon sourire en était témoin. Cherchait seulement à lui arracher un de ses jolis sourires. Au pire, elle me prend déjà pour un nul, je pouvais m’en amuser.

Il était donc d’accord. Rien de bien surprenant. Je n’aurais pas compris qu’il me dénigre. Mais lui-même m’avoua qu’il ne comptait pas m’abandonner, ce soir. J’en rayonnais d’un délicat sourire en coin, à peine perceptible. Cela fait au moins cinq répliques et il n’avait toujours pas succombé à sa maladresse habituelle. Il s’améliorait. J’espérais secrètement en être la cause. Il ajouta rapidement qu’il ne dormait sans rien sur le dos. J’en décochais un léger sourire ; un brin de malice n’était pas visible sur mon visage et mes idées ne pouvaient pas être mieux placées ; cela va de soi. Evidement. Je ne savais pas si il était sérieux ou non. Qu’il le soit ne m’étonnerait pas. Rappelons que se mettre à nu devant des inconnus étaient pour lui une chose quasi-commune. C’était ainsi que nous avions fait connaissance ; Lui, vêtu d’une serviette dont il se débarrassa bien trop rapidement à mon goût. A présent, je voyais son manque de pudeur d’un tout autre œil. Moins amusant. Nettement moins amusant. J’étais une saleté. Jalouse et possessive. Et je craignais qu’il ait à le découvrir trop tôt. « Je savais bien que tu étais du genre exhibitionniste. » Mon sourire s’accentuait, alors que mon regard pétillait, taquin. Rapidement, cet air se dissimula. J’approchais doucement mon visage du sien. Je frôlais le bout de son nez du mien. « Et ça ne me plait pas. » soufflai-je doucement. Fausse plaisanterie. Mon ton se voulait voluptueux, doux. Le fond de ma réplique était pourtant raisonné. Néanmoins, je n’arrivais pas à me montrer sérieuse. Pas en étant aussi proche de lui. J’avançai mes mains sur son buste, ses côtes, ses hanches. Jusqu’à atteindre la limite de son t-shirt. Je la franchis. Mes doigts se frayaient un passage sous ce tissu pour glisser finement contre sa peau. « Parce que je devrais avoir l’exclusivité de ton corps. » Mon sourire s’intensifia alors que je m’apprêtais à lui voler un baiser. Je savais que je ne l’avais pas, cette exclusivité. Le pire était peut-être de ne rien pouvoir y faire. Mais je me contentais déjà de ce qu’il m’offrait. Et finalement, mes lèvres se scellèrent aux siennes alors que mes mains délivraient de soyeuses caresses le long de ses côtés.

Je n’oubliais pas la manière dont Ocyllie et moi avons fait connaissance. Une rencontre pour le moins originale, tout du moins atypique, dans la salle de bains. Cela n’était pas l’unique fois où les regards et caméras purent capter mon image ainsi dévêtu, et il était clair que je n’avais aucun complexe à ce sujet. De toute manière, dans une émission où l’on vous filme à la sortie de la douche, les pudiques sont mal lotis. On pourrait donc facilement croire que ce que je dis est vrai. Mais les téléspectatrices m’en soient témoin, je m’épargnais ce genre d’exhibition. Pourtant, la belle blonde sembla croire le contraire. La laissant penser cela, j’haussais simplement les épaules avec une moue faussement innocente. Comme si je n’y pouvais rien faire. Cela ne lui plaisait pas. Il ne fallait pas compter sur moi pour capter la subtilité de son expression et comprendre la finesse dans sa phrase ; je pensais simplement qu’elle plaisantait autant que moi, sans me douter qu’il puisse y avoir un fond de sérieux dans ses paroles. Je lui adresse simplement un sourire, lui rendant son rictus malicieux, le regard complice, tandis que les mains de la jeune femme se frayaient un chemin sous mon T-shirt. Sentir cette douce caresse m’arrachait un long frisson intérieur. De moi et de mon corps, elle devrait avoir l’exclusivité, dit-elle, approchant son doux visage. « J’ai peur qu’ici, malgré moi, t’aie pas d’autre choix que de partager. » je glissais dans un souffle avant de réceptionner son baiser. Je faisais en effet référence aux centaines de caméras dispersées dans les villas, et aux personnes devant leurs écrans qui profitent d’un statut de voyeur légal. Une fois nos lèvres détachées, j’ajoutais, en captant une seconde son regard ; « Mais dans l’idée, je suis tout à toi. » Et, avec ce ton sincère, ce brin de sérieux sûrement trop rare chez moi, je ne parlais évidemment pas que de mon corps. A n’en pas douter, elle m’avait tête et cœur pour elle. Légèrement redressé au-dessus de la jeune femme, je m’approchais à nouveau pour sceller un baiser. Je glissais à mon tour une main sous son haut, sentant ainsi sa peau, douce, sous les doigts posés sur sa hanche. C’est sûrement la première fois pour moi qu’une femme m’intimide ainsi. Elle est comme une œuvre de valeur avec laquelle je ne voudrais pas me montrer maladroit. Alors, je laisse mes doigts glisser sur sa peau, déposant tendrement un baiser au creux de son cou, sur sa joue, à nouveau ses lèvres. Je guette le moindre de ses gestes, de ses sourires, de ses regards.

Je ne partage pas. Rien ni personne. Lui, moins encore. Il était mon trésor. Mon unique butin dans cette aventure. Et je le souhaitais tout à moi, rien qu’à moi, parce qu’il était inconcevable de partager une perle de cette valeur. Aussi égoïste que cela puisse paraître. Le jeu faisait pourtant les choses autrement. L’inconvénient de la télé-réalité dans toute sa splendeur. S’exhiber, de toutes les manières possibles et imaginables devant des millions de téléspectateur. Faire le spectacle. Faire grimper les audiences. Comme une foutue bête de cirque. Il n’était pas une bête de foire. Pas à mes yeux en tout cas. Ainsi, l’imaginer épié par toutes les filles en fleur d’Australie me désobligeait. Je me doutais bien qu’elles n’étaient pourtant pas les seules à pouvoir se rincer l’œil ; ici même, parmi mes colocataires, son manque de pudeur ne devait pas toutes les contrarier. Cette idée m’agaçait. Et c’était peut-être ça, le plus gênant au final. Je n’avais pas d’autre choix que de partager, disait-il. A contre cœur, bien évidement. ‘Mais dans l’idée, je suis tout à toi’, dit-il. Il semblait sérieux. Pour une fois ? Cherchait-il à me rassurer. Peut-être. Il avait de quoi. Néanmoins, je ne laissais pas paraître mes doutes. Je ne laissais rien paraître ; rien derrière cette légère lueur qui faisait briller mes yeux. Les sourires qu’il m’arrachait hantaient mon visage, le marquait. Béate comme une pauvre gamine insouciante. Le contact de ses doigts contre ma peau me faisait frissonner, celui de ses lèvres dans mon cou, frémir, avec légèreté et délice. Je réceptionnais soigneusement ce nouveau baiser, le prolongeai tout en me glissant par-dessus le damoiseau après avoir remonter mes mains dans sa nuque. Je m’en détachais, le contemplais en me mordillant minutieusement le coin des lèvres. « Je peux donc te faire n’importe quoi ? » Délectable sourire en coin alors que mon ton baignais de malice. Je ne suis pas une pétasse, vraiment. Néanmoins, je n’attendais pas même sa réaction que je regagnais ses lèvres des miennes. Une addiction de plus. Sauf que je n’avais aucune raison de vouloir m’en soigner. Mes mains glissaient à nouveau sur le bas de son t-shirt. Elles s’y agrippaient, le remontait doucement. Qu’il l’enlève. Je devrais être la première à profiter de son exhibitionnisme.

Je suis bien trop rarement aussi sérieux qu’au moment où, presque posément, je lui assure n’être qu’à elle. Si mon image m’échappe désormais malgré moi, elle détient tout le reste. Sans doutes à avoir à mon sujet ; j’étais le type de grand naïf qui n’a tant d’yeux que pour l’élue de son cœur que toute idée d’aller voir ailleurs n’effleure jamais mon esprit. Je sais, c’est tellement niais. Mais tellement vrai. De toute manière, vers qui me tournerais-je ? A mes yeux, il n’y avait aucun équivalent à cette voluptueuse blonde. Rien qui ne vaille la peine de m’en détourner. J’étais donc à elle. Et j’osais espérer qu’elle n’était qu’à moi. Possessif maladif, grand jaloux que je suis. Je m’emparais à nouveau de ses lèvres, et elle fit de même des miennes, renversant nos places ; elle se retrouva penchée sur moi, à me demander avec malice si elle pouvait faire ce qu’elle voulait de moi. « Absolument. » je réponds en lui rendant son sourire. Tout ce qu’elle veut, tant que cela n’implique pas des menottes et un fouet. Très vite, nous scellions un nouveau baiser. Addiction commune. Sans l’en empêcher, je la laissais m’ôter mon T-shirt. J’eus bien vite fait de même avec son haut. Au fil des minutes, le nombre de vêtements jonchant le sol augmenta. Bien entendu, le nombre de baisers échangés n’en finissait pas non plus. J’attrapais ses lèvres, glissais parfois ma langue jusqu’à la sienne ; mes mains ne décrochaient pas de sa peau, la flattant de nombreuses caresses. Jaloux, gardant son corps nu pour moi, j’avais dressé les draps comme barrière entre nous et le regard épieur des caméras. Personne n’avait besoin d’en savoir, ni d’en voir plus.

Fi-ni.