Ft. Tommi


Il ne faisait pas spécialement beau temps aujourd'hui. Il pleuvait même. Les gouttes s'écrasaient contre les nombreuses fenêtres de la villa. Les nuages masquaient le ciel bleu habituel laissant la pénombre envahir l'Australie. Il faisait froid jusqu'à l'intérieur de la baraque de Taziah. Quelques petits groupes de candidats se formaient à divers endroits. Les uns élaboraient des stratégies fumeuses. Les autres jouaient les détectives en enquêtant sur les secrets qui n'étaient pas encore découverts. Je n'avais pas envie de me mêler à ces groupes de crétins. J'avais envie de me retrouver seule, au calme, durant un court moment. Elles étaient rares les fois où j'avais pu me ressourcer en solitaire. Il y avait toujours quelqu'un pour vous embêter ici de toute façon. Il y avait toujours des gens qui ne se gênaient pas pour critiquer ouvertement chacun des faits et gestes des autres. Quelle belle brochette d'idiots. Le salon était le seul endroit où il n'y avait personne. C'était donc là que j'avais décidé de m'installer. Assise, dans l'une des coins du canapé, j'avais ramené mes jambes vers moi pour les encercler de mes bras. Je donnais l'impression de vouloir me cacher avec la capuche de mon sweat sur la tête et mon visage bien au chaud derrière mes genoux. Je fermais les yeux. J'aurais quasiment tout donné pour pouvoir oublier la plupart des remarques que j'avais pu entendre à mon sujet. Mine de rien, se faire qualifier de chienne par un nain de jardin, c'était vexant. Des bruits de pas venaient troubler ma solitude. Pourtant, je ne bougeais pas d'un pouce. Faire la morte pouvait peut-être m'aider à jouer les ermites encore un temps.

Mine de rien, j'étais curieuse et je n'avais pas pu m'empêcher de lever légèrement la tête lorsqu'un poids s'était fait sentir sur le divan. Bien vite, je regrettais mon geste et ma tête vacillait vers l'une des nombreuses vitres de la baie vitrée. Il s'agissait de Tommi et comme je pouvais m'y attendre, il ne m'avait pas adressé le moindre mot, le moindre regard. Nos relations n'étaient plus les mêmes depuis quelques jours, depuis que je l'avais froidement repoussé dans le jacuzzi. Quelle conne. Je m'en voulais, mais j'étais bien trop fière pour le crier haut et fort, pour le lui dire à lui. Un très court instant, je posais une nouvelle fois mon regard sur lui, juste pour m'assurer qu'il était toujours là. Étrange. Il m'évitait depuis cet évènement, ne restait jamais dans la même pièce que moi, me lançait des regards noirs qui me faisaient culpabiliser encore un petit peu plus à chaque fois. Je pouvais sentir ma gorge se serrer légèrement. J'avais tellement envie de lui parler. J'avais tellement envie de lui dire ce que j'avais sur le coeur. J'avais tellement envie qu'il me rassure, qu'il me dise que toutes les horreurs que j'avais entendu été fausses, mais il ne le ferrait pas. C'était plutôt bizarre, mais j'avais comme l'impression qu'il devait penser pareil que son coéquipier le nabot et la brunasse qui lui servait de petit chien. Rien qu'en y pensant, ma gorge se serrait encore un petit peu plus et mon regard couleur javel venait encore une fois se poser sur le garçon. Je laissais un bref soupir s'échapper dans les airs. Un soupir d'agacement. Ce n'était pas sa présence qui me dérangeait, mais l'absence d'explication.

Alleluia. Tommi venait de m'adresser la parole. Enfin, ce n'était pas vraiment ce que à quoi je m'attendais, mais c'était toujours mieux que rien. De toute façon, je savais très bien qu'il ne sortirait rien de très agréable de la bouche du garçon s'il venait à m'adresser la parole. C'était un fait, une évidence. J'avais eu le temps de m'y préparer. Ma tête bougeait de gauche à droite, j’acquiesçais négativement. « Aucun. » Bien vite mon regard déviait de se personne. Je ne pouvais pas rester à l'observer pour un rien, même si j'en avais fort envie. Mes jambes se collaient un petit peu plus encore contre mon buste. Je n'avais qu'une seule envie celle de disparaître loin d'ici, loin de lui. Il y avait une question qui me trottait dans la tête depuis quelques jours durant. Un problème ? Peut-être que c'était le bon moment pour la lui poser. « Pourquoi tu as tout raconté avant même de m'en avoir parlé ? » Finalement, mes yeux revenait sur sa silhouette quelques secondes après que ma voix, tremblante, se soit élevée dans la pièce. « Si c'était pour me faire une réputation de salope, merci c'est réussi. » J'avais envie de me montrer sèche et cassante avec lui, mais je n'y arrivais pas vraiment, mon côté gamine et fleur bleue reprenait le dessus. Je fronçais très légèrement les sourcils tant l'ambiance entre nous était pesante. Jésus, Marie, Joseph sortaient moi de ce cauchemar au plus vite.

Allons bon, voilà que Beau était, là aussi, de la partie. Ce mec comptait me gâcher mon aventure non ? Et puis comme si il était vraiment intéresse par ce qui pouvait se passer entre Tommi et moi. La seule chose qu'il voulait c'était avoir matière à critiquer, renouveler son stock de remarques puériles bonnes pour les cours de récréations. J'avais envie de lui répondre, de dire tout cela à voix haute, mais déjà il reprenait la parole. Non, mais sérieusement ce mec est un clown non ? Je m'en voulais de penser ça, mais c'était bien plus fort que moi.« Et t'as compris quoi alors ? Parce que j'ai comme l'impression que t'es complètement à côté de la plaque. » J'étais curieuse de connaître toutes les choses qui lui sont passés par la tête ce soir là, à ce moment précis. De mon côté je ne pensais pas à avoir à me justifier, mais pourtant je voulais le faire. C'était qu'il devait être vachement important pour moi alors. Ou pas. Je n'en savais plus rien. Je prenais bien trop de temps pour réfléchir à ce que j'allais dire que déjà sa voix s’élevait à nouveau. Pardon ? Pas uniquement de sa faute ? Parce que c'était moi peut-être qui avait eu la bonne idée de raconter sur tous les toits que je l'avais allumé avant de le repousser ? Même pas. QUOI ? « Je peux savoir de quels mecs tu parles là ? Parce que je ne pense pas avoir fait quelque chose de mal tu vois. » Je n'en revenais pas de ce qu'il venait de m'envoyer en pleine figure. Beau sort de ce corps. « De toute façon, on t'as tellement monté la tête, ou t'es tellement borné, j'en sais rien, que je pourrais passer des heures à t'expliquer pourquoi j'ai eu un moment de flottement que tu n'en aurais strictement rien à foutre. » Je baissais les yeux, tournant la tête dans la direction opposé. Et dire que j'avais déjà préparé tout un éloge sur lui pour le faire accepter par papa une fois le jeu terminé. Putain, mais qu'elle conne. D'un geste vif, je venais arrêter la course d'une larme qui roulait sur l'une de mes joues. Maudits nerfs.

Plus Tommi parlait et plus j'avais envie de m'enfuir comme une voleuse. Je n'étais pas vraiment habituée à entendre quelqu'un me blâmer comme il était en train de le faire depuis quelques minutes. Je ne supportais pas vraiment que l'on puisse remettre en cause mes actes, mon comportement. Pourtant, je restais là, bien sagement, à l'écouter. Que les autres puissent penser de moi que je n'étais qu'une aguicheuse ? Je n'en avais strictement rien à faire. Que lui le pense ? C'était tout autre chose. Cela avait même le don de m'affecter. J'aurais bien voulu en placer une, mais je ne pouvais. J'avais beau ouvrir la bouche, aucun son n'en sortait et puis de toute façon ce n'était pas mon genre de couper la parole à quelqu'un. Je n'osais même plus le regarder. Je préférait largement la vue de la baie vitrée qui se trouvait dans la direction opposée. Je devais avoir l'air ridicule à essuyer mes joues pour éviter qu'elle ne soit parsemer de quelques larmes. Remarquez, je n'en étais plus à une humiliation près depuis que je trouvais dans cette baraque un petit peu trop grande pour moi. D'un geste vif, il venait arrêter la course de l'une de ses petites perles salées qui roulait sur mes joues. Mon regard se posait sur lui. Je ne comprenais pas vraiment ce qui était en train de se passer. Un instant il me criait, presque, dessus et le moment d'après il devenait tout calme, voire même gentil. C'était plus fort que moi, je me crispais un petit peu plus. Après tout, il venait quand même d'insinuer que j'étais une allumeuse hein. Que je lui explique ? Ouai. Pourquoi pas. « J'avais vraiment envie de m'offrir à toi, je te le jure, mais j'ai eu peur à cause de ... ses choses là, avant de me rendre compte que c'était stupide. » D'un index menaçant je désignais l'une des nombreuses caméras qui se trouvaient dans la pièce. A qui j'allais faire croire que j'étais pudique ? A personne certainement, mais ... « Je sais ce que tu dois penser là, que je suis en train de me foutre de ta gueule, mais ce n'est pas le cas. Je ne veux pas dire que je suis pudique, loin de là, mais le contexte était totalement diffèrent de ce qui a pu se passer précédemment. Il s'agissait de toi, premièrement, et je n'avais pas spécialement envie que tous le monde puisse entrer dans notre intimité, même si c'est très certainement déjà fait. » Je baissais la tête vers le cuir du divan. Non, je n'avais plus à ajouter. J'étais maladroite dans mes propos, autant arrêter le carnage ici.

Il n'avait pas tort. Expliquez moi ce que je pouvais bien foutre ici si je ne voulais pas être filmé. Je poussais un soupir d'agacement. Ses remarques avaient le don de m'agacer. Le fait qu'il ai raison avait le don de me rendre irritable, de me rendre encore plus capricieuse. « Je pensais que ça pouvait être marrant de venir ici, mais apparemment je me suis encore trompé. » J'haussais brièvement les épaules, ramenant encore un petit peu plus mes jambes vers ma poitrine. J'avais honte. Si je pouvais fuir, je l'aurais fait sans hésiter. Pourquoi je ne lui en avait pas parlé ? « Je n'y ai pas pensé sur le moment. Ces dernières semaines j'avais oublié la présence des caméras et là en posant mon regard sur l'une d'elle à ce moment précis, je me suis rappelé que tout le monde pouvait tout voir, je me suis mise à penser à toutes les répercussions que cela pouvait avoir pour toi, comme pour moi, si on allait bien plus loin que de simples baisers. » Parce que oui, il y aurait eu des conséquences à cet acte là et ce n'était pas de sa faute en plus. Maudite tradition familiale. Maudit Taziah tiens. « J'en avais autant envie que toi pourtant. » Je venais de lâcher cette phrase à voix basse, comme pour qu'il ne l'entende pas. Enfin, je disais ça, mais encore fallait-il qu'il en avait envie lui aussi. Je pense. Je ne savais pas. Je ne savais plus. Un blanc s'installait entre nous. Un silence pesant, presque angoissant. Je l'observais, du coin de l'oeil, s'éloigner de moi pour s'affaler à nouveau sur le divan avant qu'il ne reprenne la parole. Je secouais la tête de gauche à droite avant que mon regard ne se pose sur le mur qui se trouvait face à moi. Non, je n'avais pas vraiment envie de faire comme s'il n'était rien pour moi, de faire comme s'il n'y avait rien eu entre nous. « Je ... J'en ai aucune idée. De toute façon, je ne suis pas la seule à décider et si on ne veux pas tous les deux la même chose, c'est forcément ce qui va arriver non ? ... Enfin, je ne parle pas du fait que je puisse aller voir ailleurs si on venait à faire comme si on ne se connaissait pas. » Après les accusations dont j'avais été victime, je préférais mettre les choses à plat, ma justifier en quelque sorte. J'avalais péniblement ma salive tellement j'avais la gorge serrait. Dieu, pourquoi il fallait que cela m'arrive à moi ?

Je baissais les yeux, écoutant avec attention chacun des mots qu'il prononçait. Premièrement, il voulait que je rentre chez moi. Deuxièmement, il me faisait la morale en me disant qu'il était temps que je grandisse, que je me mette à réfléchir comme une adulte et non comme une gamine de douze ans. Pour finir ? [...] Il se levait tout en me faisant comprendre qu'il m'en avait pas spécialement grand chose à faire de ce que je pouvais dire ou faire, qu'il n'étais pas venu ici pour se prendre la tête avec quelqu'un, et très certainement encore moins avec une nana comme moi. « T'as l'air de pas savoir ce que tu veux, alors laissons tomber. » Ces derniers mots venaient de résonner dans la pièce, dans ma tête et avaient eu pour effet de me faire lever la tête d'un seul coup vers lui. Il ne se trouvait plus à mes côtés, mais en face de moi, un petit peu comme s'il s'agissait à présent d'un face à face, d'un règlement de compte. J'avais beau avoir envie de lui montrer que je n'étais pas la gamine à qui il pensait parler, mais je n'arrivais pas à jouer un rôle, à être une toute autre personne. Instinctivement, je ramenais encore un petit peu mes jambes vers moi, comme si je voulais me protéger de quelque chose. De lui ? Pourtant je n'avais rien à craindre non ? Je n'osais même pas le regarder. Je n'osais plonger mon regard dans le sien comme je savais, pourtant, si bien le faire. « Mais je ... » Finalement, je poussais un soupir d'agacement, prenant mon courage à deux mains pour lever la tête vers lui. « Tu me demandes de me prononcer, mais je ne sais même pas ce que toi tu penses de tout ça et je n'ai pas vraiment envie de me prendre une disquette devant l'Australie entière. » Quel culot. C'est moi qui osait lui dire ça là ? On dirait bien. Sans qu'il n'est là le temps de dire quoi que ce soit là, l'une de mes mains venait emprisonner l'un de ses poignets. Hors de question qu'il parte, j'avais encore quelques petites choses à lui dire. « Je pensais que toi et moi ça pouvait fonctionner, qu'on pouvait même penser à un avenir ensemble et c'est pour ça que je t'ai repoussé. Si tu crois que j'ai envie que tout le monde puisse voir mes ébats avec une personne que j'apprécie, une personne que j'aime. Je n'ai pas envie que l'on puisse voir mes ébats tout court, contrairement à ce que les gens peuvent penser je ne suis pas une pute ou une truc dans le genre. » Et hop, mon regard venait, bien vite, se poser sur le sol, sur ses pieds alors que je lâchais son poignet, comme si je venais de faire quelque chose de mal. Maudit jeu. Je n'étais toujours pas sûre de moi apparemment.

Et puis pourquoi c'était toujours moi qui devait rendre des comptes hein ? [..] Bon d'accord, j'y étais très certainement pour beaucoup dans notre dispute, mais depuis le tout début Tommi ne cessait de m'accuser. Trop gamine. Pas assez claire. Une salope. Ouai je venais d'en prendre pour mon grade là. Pourquoi je prenais notre histoire au sérieux ? J'haussais les épaules. Encore un comportement de gamine. Après tout je n'y pouvais rien. J'avais comme l'impression d'être une criminelle devant le juge. Une chose est sûre, il fera un avocat du tonnerre ce type. Il reprenait presque aussitôt. Il voulait comprendre et je ne pouvais pas l'en empêcher. « Je n'en sais rien. Depuis que je suis toute petite, tout le monde m'accorde de l'importance, peut-être parce que je suis la petite dernière de la famille et la seule et unique fille. » Je parlais tout doucement avant de marquer une courte pause durant laquelle je venais mordiller le coin de ma lèvre inférieure. Signe d'agacement. « La seule chose que je peux te dire c'est que si mon père, mes frères et tous les autres ont le malheur de voir un quart de ce que je fais dans cette maison, et notamment avec toi, je vais rentrer en Nouvelle-Zélande à la nage et ils vont me poursuivre avec des machettes pour me couper la tête. » Mes dents venaient riper contre l'intérieur de ma joue alors que mon dos venait se coller contre le dossier du canapé. « Ne me demande pas de t'en dire plus, je ne peux tout simplement pas. » J'avais très certaine piqué sa curiosité, mais il fallait que je m'arrête là et tout de suite. D'ailleurs, pour éviter les questions, je préférais passer à un tout autre sujet. « Et si j'ai eu le temps de penser à quelque chose avec toi, de prendre notre relation au sérieux, c'est qu'ici les sentiments sont multipliés par mille et c'est l'une des nombreuses choses que je n'ai pas su contrôler. » Sinon ? Beh je n'osais toujours pas le regarder. J'avais peur qu'il en vienne à me rire au nez. Il m'aimait vraiment beaucoup. Moué, en me traitant de salope. Il avait une drôle de façon de le montrer quand même. D'ailleurs, une petite grimace venait prendre place sur ma bouille de gamine. Au fur et à mesure que le ton du garçon se faisait plus doux, je commençais à me défaire tout doucement l'étreinte que je portais autour de mes genoux.