▬ CHASE & GABRIEL ▬
Dimanche 3 Juin – 17h

La douche de l’annexe, c’était pas le même luxe que la salle de bains de la villa. Quoi que je préfère celle de l’autre villa, à laquelle nous n’avons plus accès cette semaine. Bah, je ne vais pas non plus faire le difficile. Une semaine entre quatre murs, ça fait apprécier ce qu’on a. J’ai l’impression de sortir de prison, sans rien avoir à me reprocher à la base. Drôle d’expérience. Je profitais donc longuement du jet d’eau chaude de la douche. Et quand je dis longuement, je parle de manière très littérale. Vingt minutes après mon entrée, je n’avais pas bougé. Je suis comme un zombie, la tête ballante en avant, les bras le long du corps. Mes mèches brunes alourdies par les gouttes d’eau dissimulent mon visage comme derrière un épais rideau. J’aime cette sensation. J’en profite, tant que personne ne pointe le bout de son nez. Mais j’entendis la porte s’ouvrir ; il était temps pour moi d’avoir l’air civilisé. Je passe une main dans mes cheveux pour les ramener en arrière et attrape le savon. Non, je ne me suis toujours pas lavé au sens propre –jeu de mots de merde- du terme depuis ces vingt minutes. Mine de rien, je fais apparaitre de la mousse qui glisse immédiatement jusqu’au carrelage pour disparaitre dans les canalisations. Mine de rien, j’adresse un sourire à mon colocataire. Chase faisait son entrée. « Salut, le beau gosse. » je lance. Ouais, je me voile pas la face, y’a pas photo ; entre mes adbos à peine dessinés et les siens, je passe pour une crevette. J’assume plutôt bien, je pense pas qu’être sculpté comme une figure grecque m’irait bien. « J’ai remarqué que l’eau était ton élément pour draguer, j’espère que t’es pas là pour mes beaux yeux. » j’ajoute pour plaisanter. Parce qu’entre Marilou dans la piscine, et Nora la semaine dernière, à la piscine aussi, je commence à croire que Chase profite d’avoir ses atouts à l’air pour s’attirer les faveurs de ces dames, et pourquoi pas, de ces messieurs. Sans énorme succès, néanmoins, hein.

Pour cette semaine (voire plus), les deux villas ne pouvaient plus communiquer. Honnêtement, cela ne me dérangeais pas du tout dans la sens où je m’entendais bien avec les Waratah, et je pouvais toujours voir Noraline et Alexis –ce qui était une des seules choses qui importaient, au fond-. Le vrai problème était l’extérieur : comment pouvoir se libérer de la chaleur sans piscine ? En prenant une douche fraîche. Beaucoup moins drôle, tout aussi efficace. J’avais une préférence pour la salle de bains de la deuxième villa, mais je me contentais souvent de celle de la première villa, tout aussi bien décorée. Maillot de bain à la main, je me dirigeais vers la salle de bains. En ouvrant la porte de la pièce, une épaisse brume chaude frappa mon visage. Qui donc avait eu l’idée de prendre une douche chaude par ce temps ? Une fois l’épaisse fumée en partie dégagée, je vis Gabriel. Celui-ci me salua : « Salut, le beau gosse. » Sa flatterie me fit sourire. Le sport, y’a que ça de vrai. Je posai mon maillot de bain (devenu inutile) avant de répondre « Gab’ ! C’est cool que tu sois revenu. » Je n’ai jamais vraiment pensé que Gabriel allait définitivement quitter l’aventure, mais j’avais tout de même quelques doutes. « J’ai remarqué que l’eau était ton élément pour draguer, j’espère que t’es pas là pour mes beaux yeux. » a-t-il poursuivi. Il avait pas tort, au fond : entre Marilou, Alexis et enfin Nora avec qui j’ai eu plusieurs conversations dans la piscine, je pouvais conclure que l’eau était mon élément. « Que veux-tu… Tous ces corps dénudés au contact de l’eau, ça stimule. Fais gaffe à toi, simple conseil. » répondais-je en riant, en m’approchant du lavabo. A défaut de pouvoir prendre une douche fraîche, je me suis au moins rincé le visage à l’eau froide, histoire d’avoir l’impression de ne pas étouffer.

Une douche brûlante par ce temps là, en effet. Non, je ne suis pas complètement fou. Je crois qu’il n’y a qu’au contact de l’eau que je me sens mieux. J’oublie, je cesse de penser. L’eau emporte dans son flux toutes les idées noires. Magique. Pas que je me sente déprimé, au contraire. Je dissimule plutôt bien l’euphorie de mon retour dans la villa ; de retrouver mon lit, mon équipe. Une grande partie des candidats que j’apprécie se trouvent dans l’autre bâtiment, ce qui fait que mes retrouvailles avec eux attendront encore une semaine. Je pensais retrouver la belle blonde, Ocyllie, après une longue semaine. C’était sans m’attendre à une seconde semaine sans la voir. Mais je doute que cela l’importe, elle. Alors je ne m’attarde pas plus là-dessus. Je retrouve mon éternel sourire face à Chase. Je crois qu’il est impossible de me surprendre à avoir un coup de blues. Je vais toujours bien. Après tout, je ne suis plus en isolement, c’est un soulagement. « C’est cool d’être de retour, surtout. Une semaine à l’isolement passe comme un an. » Sans rire, pour quelqu’un comme moi qui ne supporte pas la solitude, c’était une longue torture. Pouvoir parler à autre chose qu’à un meuble, ça vaut tout ce que vous voulez. Ravi de revoir Chase –vous en doutiez ?- je lui lance une plaisanterie à laquelle il me répond de faire attention à moi. « Désolé, mais t’es pas du tout mon genre. Je préfère les gars vers la soixantaine, un peu gras du bide, tu vois. » DSK vous dites ? Oui, bon, je plaisante. Quitte à assumer de ne pas afficher de préférence sexuelle, autant éviter de faire croire ce genre de penchants.

Gabriel avait l’air soulagé de retrouver la villa, et je le comprends. « C’est cool d’être de retour, surtout. Une semaine à l’isolement passe comme un an. » me dit-il, toujours sous l’eau. C’est vrai qu’il a plutôt dû s’ennuyer, lui qui est toujours au contact des autres, à se retrouver seul. Bref, m’humidifier le visage n’a presque servit à rien, et j’avais vraiment besoin d’une douche fraîche. Il ne s’est pas lavé, dans sa cache, pour rester si longtemps dans la douche ou quoi ? Je n’avais qu’une envie : bondir dans la douche, changer la température pour que l’eau soit fraîche, et y rester jusqu’à épuisement. En tant qu’humain normalement constitué, je me suis contenu, et ai poursuivi ma conversation avec Gabriel. Celui-ci mit en avant le fait que je ne sois pas à son goût (dommage.), après que j’aie répondu à sa plaisanterie : « Désolé, mais t’es pas du tout mon genre. Je préfère les gars vers la soixantaine, un peu gras du bide, tu vois. » Non, je ne vois pas, et je ne préfère pas… « Dommage pour toi, parce que je compte pas attendre d’être vieux et gros pour pouvoir prendre ma douche. » Comme d'habitude, je n'arrivais pas à paraître sérieux quand je plaisantais. Au moins, Gabe aura compris.

Vingt minutes que je profite du jet d’eau chaude, et toujours pas prêt d’en sortir. Allez, encore cinq minutes. Qui deviendront dix. Puis vingt. Si, si, j’avais eu de quoi me doucher durant la dernière semaine. Mais c’était mon moyen de décompresser, me détendre. Oui, c’est une vraie habitude de fille, et alors ? Chacun son truc. Moi, je préfère gaspiller des litres d’eau qui n’iront pas aux pauvres petits africains plutôt que de me poser devant un jeu vidéo abrutissant ou un livre. Pour m’en déloger, il faudra sûrement que Taziah lui-même fasse couper l’eau chaude pour qu’un jet glacé me congèle jusqu’à l’os instantanément. Être là dedans ne m’empêchait pas de parler avec Chase ? Suffisait d’augmenter le volume pour se faire entendre à travers le bruit de l’écoulement d’eau. Mon camarade comptait bien prendre aussi sa douche, qu’il soit à mon goût ou pas, me mettant ainsi face à l’hypothétique danger qu’il pouvait représenter pour ma légendaire innocence. « T’as qu’à te ramener, et rester à une certaine distance de sécurité. » je lui réponds avec un sourire perceptible dans ma voix. Même pas peur de me retrouver dans la cage au fauve face au prédateur, ouais. « De toute manière, je suis armé d’un gel douche qui arrache les yeux. » Mieux qu’un taser, pour repousser les avances de l’autre belle gueule.