Je suis assez fier de moi ; j’aurai mis le temps, mais j’ai trouvé mon binôme sans faire perdre de points à mon équipe avec une erreur, et sans débourser un centime pour un indice sûrement ambigüe. Afin de stimuler mes recherches, je m’étais mis un certain coup de pression ; mon gars, t’es chef d’équipe et tes débuts étaient pas glorieux, tu vas pas être celui qui leur fera perdre des points ; et puis, acheter un indice, c’est perdre de l’argent, et niveau fierté, ça le fait moins. Des efforts qui ont porté leurs fruits ; j’avais hésité, mais finalement, en me remémorant mes réponses aux questions lors du casting, la révélation apparu en la personne de Marilou. Non, nous n’avions jamais vraiment parlé. Je l’avais à peine vu. Mais sa présentation correspondait à ce que j’avais pu raconter. Bonne réponse, tout bénéf. Plutôt classe. Après l’annonce de ma découverte, je suis donc immédiatement parti à la recherche de la jeune femme. Histoire que chacun se fasse une première idée de ce qui l’attends. Je fouille les deux villas de fond en comble ; quand je demande à l’un s’il n’a pas vu mon binôme, il m’envoit dans une salle où, lorsque j’arrive, elle n’est déjà plus. Jusqu’à finalement arriver à la bibliothèque. Je m’approche, normalement me semble-t-il, mais visiblement trop discrètement ; lorsqu’elle se retourne, elle me heurte légèrement et sursaute. « Ce n’est rien, t’en fais pas. » Marilou, petit bout de femme, brune, avec de jolis yeux verts. Elle ne m’a pas l’air complètement cruche ; bon point. « Bouquineuse, donc ? » je demande. Oui, je passe les banalités ; la curiosité me pousse à vouloir en savoir un minimum sur le champ.

Nom d’un chien, au moins, elle est pas muette la demoiselle. Bien au contraire ; elle débite un flot de paroles assez énorme en peu de temps. J’ai sûrement l’air assez surpris, je ne peux pas m’en empêcher. Mais surtout, amusé. Et rassuré. La seule chose que j’avais demandé à la production, c’était une femme avec de la cervelle. Celles pour qui la littérature s’arrête à Twillight, par exemple, je m’en passe. Et Marilou, même si elle s’emmêle les pinceaux, ne débite pas des âneries. Loin de là. Je la devine toute timide, à regarder ses pieds, nerveuse. Elle m’arrache un sourire. Oui, elle risque d’être plutôt vivable. A voir si elle saura me supporter. Ce qui n’est pas gagné. « Pas vraiment. » J’avoue en haussant les épaules, désolé de sûrement la décevoir. « Enfin, le minimum indispensable. » Disons que, quand je commence un livre, rester à lire plus de vingt minutes me tue. Alors j’arrête. Je reprends le jour suivant. La même chose. Au final, c’est un mois qui passe sans que je terme le foutu bouquin, parce que j’en perds le fil. C’est idiot. Après une seconde, j’attrape Marilou par le poignet et la fait s’assoir sur un canapé, puis m’installe à côté. « Promis, j’vais pas te manger. » lui dis-je d’une voix douce. « Juste en savoir plus. Du genre, ta couleur de chaussettes préférée, la chanson que tu détestes, ce que tu ferais pour le monde si tu devenais Miss Australie. » Mon but, mettre à l’aise la jeune femme. Et de préférence, réussir à lui faire lever les yeux de ses pompes.

Sans comprendre la blague, la demoiselle commence à m’énumérer toutes les couleurs de chaussettes qu’elle aime porter. Ah ouais, la timidité panique à ce point, c’est quand même…grave, non ? Non, disons que c’est assez drôle. Elle débite si rapidement tous ces mots, mais avec une voix toute douce. Jusqu’à ce qu’une ampoule géante s’allume au dessus de sa tête ; tilt, elle comprend enfin que je plaisantais. Je lui souris, amusé. Au moins, elle a relevé le regard. Un bon début ? FAUX. Rouge, honteuse, toute gênée, elle baisse à nouveau la tête. Mais elle se remet à parler, en se présentant réellement. « Attends, t’es animatrice radio ?! » DEDIOU. Respect à la production, on m’a déniché la seule fille de toute l’Australie exerçant le même métier que moi et étant prête à s’embarquer dans une TV réalité. J’en reviens pas. « Moi aussi ! » J’ajoute, tout excité. Non mais, quand même, c’est énorme, non ? « J’aurai jamais pensé qu’une autre personne du métier viendrait ici ! Enfin, ici précisément. C’est génial ! J’y crois pas. Mais attends, comment tu fais pour être animatrice en étant aussi timide ? C’est pas possible. Si ? » Attends, une seconde. Un truc cloche. « C’est contagieux, ton truc. » j’ajoute en riant. Voilà, moi aussi je me mets à débiter un max à toute vitesse.

C’est étonnant, que ce bout de femme si timide puisse exercer le même boulot que moi. Je suis ravi, et étonné à la fois. Mais c’est la curiosité qui prime sur tout le reste. Une seule question ; comment c’est possible ? Marilou m’explique qu’elle est plus à l’aise derrière un micro que devant une personne réelle, et que cela l’aide de n’avoir à faire face à personne. Cela me semble étonnant, quoi que pas complètement dénué de logique. « C’est pas ridicule, je trouve. » je lui assure avec un sourire –qu’elle ne voit sûrement pas parce qu’elle fixe à nouveau ses chaussures. J’ajoute en haussant les épaules ; « C’est juste… comme ça. » Elle n’allait pas non plus se forcer à être qui elle n’est pas. En revanche, j’aimerais autant que ses habitudes orales ne me contagient pas ; je ne pense pas que parler à toute vitesse un nombre de mots invraisemblable m’aille bien au teint. Je préfère encore mon accent snob de petit Anglais. « Et tu es toujours aussi…timide ? J’veux dire, y’a pas un moment, un endroit, où tu te sens pleinement bien ? » Je sais, j’insiste. Mais c’est que je n’arrive pas à imaginer ma vie avec ce genre de contraintes, cette gêne constante, sans me dire qu’on doit se sentir comme un handicapé.

Marilou est censée être mon idéal. Incroyable mais vrai ? Le mec qui a embrassé Quincy complètement saoul, et fait connaissance avec Ocyllie pratiquement complètement nu, aurait besoin d’une jeune femme toute timide qui n’ose pas le regarder dans les yeux. Aussi étrange que cela paraisse, je veux bien le croire. J’avais dit que les opposés s’attirent, car mes relations avec des personnes me ressemblant trop n’avaient rien donné de durable ou de sain. Et puis, j’aime les demoiselles qui réfléchissent. D’où mon penchant général pour les pestes. Je trouve aussi que la timidité est un facteur qui rend les gens attachants. Au fond, je suis bizarre, et j’ai des goûts spéciaux pour les personnes atypiques. Je crains. Marilou m’explique que lorsqu’elle est en confiance avec quelqu’un, elle est plus à l’aise. Chose rassurante, quand même. « Eh bien, j’espère pouvoir faire partie de ces gens de confiance un jour, alors. » je lui dis avec un sourire bienveillant. J’aimerais autant que notre binôme marche. Quitte à ce qu’aucune forme de sentiment ne naisse entre nous –je suis pas du genre à nourrir de faux espoirs-, qu’au moins nous nous entendions bien pour nous serrer les coudes. « Au final, tu m’as pas dit quelle chanson tu peux plus entendre. » Je reprends, en lui adressant un clin d'oeil, pour continuer sur ma lancée ; en savoir plus, même les détails idiots qui ne servent à rien.

Je suis sincère lorsque je lui dis que j’espère un jour avoir la capacité de la mettre à l’aise, qu’elle n’ait plus à regarder ses pieds avec moi. Parce qu’elle a l’air d’être une gentille fille, sympathique. J’suis plutôt sûr qu’elle peut s’avérer intéressante à découvrir. Même si cette découverte doit passer par ces questions connes sur des sujets idiots, juste histoire de faire connaissance en s’amusant. Elle fait l’effort de se prêter au jeu, ce que j’apprécie. Elle avoue donc qu’elle fait une overdose de Gotye ; je peux la comprendre, j’ai parfois l’impression de n’annoncer que cette chanson toute la matinée à l’antenne. Et pourtant, je crois que je ne pourrais pas m’en lasser. Mais on dit toujours ça avant d’en avoir marre. « Moi c’est les Katy Perry. J’te jure, si un jour j’attrape cette nana, j’en fais une robe pour Lady Gaga. » Quoi que je la supporte pas plus, la blondasse squelettique. Ces pouffes m’écoeurent. Leur musique est à chier. C’est dit. Marilou me renvoie aussi ma question sur les chaussettes. Je ris un peu avant de répondre ; « Noires, souvent. Mais j’en ai une paire avec des grosses tâches, genre, comme une vache. Et j’en ai des tricotées par ma sœur, super épaisses, genre des moufles pour pieds avec des rayures et des poids, qu’elle m’a offertes à Noël y’a un bail. » J’ai jamais osé lui dire que je les trouve hideuses. Elles sont même dans ma valise. Au fond.