▬ TOMMI & GABRIEL ▬
Samedi 19 Mai – 13h

Le prime de la veille avait été éprouvant. Enfin, agresser et être désagréable avec tous quand l’on en a pas la moindre envie, cela devient rapidement en jeu difficile à jouer. Je me doute d’avoir été immédiatement démasqué par un certain nombre d’entre eux, car bien qu’il soit connu que je suis un grand chieur, je ne déborde jamais dans la méchanceté gratuite. Bah, c’est du passé. Une mission est une mission. Je suis, quoi qu’il en soit, de bien meilleure compagnie aujourd’hui. Faut dire que j’ai eu ma nuit de sommeil, alors tout va bien. Je me suis trouvé ce qui ressemble de plus en plus à une habitude ; me planter quelque part dans le jardin vers cette heure-ci pour enchainer cigarette sur cigarette. Parfois, je laisse accompagner par une bière. Parfois j’ai droit à une présence humaine. Je suis cette fois sous la véranda, assis en tailleur sur la table basse, parce que j’en avais envie. On me croirait en séance de méditation. Des pas me font tourner la tête. Un candidat se trouve là. « Tu me rejoins dans ma méditation ? » je lance avec un sourire avant de fermer les yeux. Et porter ma cigarette à mes lèvres.

C'est vrai, le prime avait été long. On en voyait même plus la fin. De plus, j'étais nominé ce soir là et j'avais passé ma soirée à me tortiller d'impatience en attendant le verdict final. Aucun des nominés n'a quitté l'aventure en fin de compte. Je m'étais fait un sang d'encre pour rien. Je déteste quand j'use autant d'énergie inutilement. La pression était retombée depuis. Mais ici, le stress ne s'arrête jamais. J'étais encore nominable la semaine prochaine, comme tous les candidats de mon équipe, et je sentais bien que le verdict n'allait pas tellement changer par rapport à la semaine dernière. J'essayais donc de me préparer moralement à cette annonce. Il fallait absolument que je me détende, je décida donc de sortir sur la véranda pour me faire griller une cigarette. Une fois arrivé sur place, je vis Gabriel faisant une pause yoga sur la table basse. Ca me faisait rire de le voir dans cette position. Je m'affala sur un canapé en face de lui, sortit mon briquet de la poche tout en lui répondant. « Ca dépend, sur quoi ce porte toutes ces pensées positives?! » Je lui adressa un sourire avant de porter la clope à mes lèvres et de relacher la fumée tout en me laissant glisser un peu plus dans le fauteuil. Je n'avais encore jamais vraiment parlé à Gabriel mais celui ci m'intriguait un peu. Et il avait l'air plutot cool, alors vaut mieux tard que jamais pour commencer à rencontrer quelqu'un!

« J’en sais foutrement rien. » Je réponds en riant et en haussant les épaules. Après tout, à la base, il n’y a aucune raison, absolument aucune, au fait que je sois assis en tailleur sur cette foutue table. J’avais juste envie. Enfermé ici, des habitudes s’incrustent vite, une routine s’installe. Et on connait tous quel est le malheur de la routine. C’est qu’elle reprend tout le temps. Alors, puisque je ne voulais pas m’assoir sur ces fauteuils, j’me suis dit que la table était plus classe que par terre. Si vous ne voyez pas la logique, oubliez, y’en a pas vraiment. « J’essaye d’arrêter de cloper, tu vois ? » j’ajoute en portant ma cigarette à mes lèvres, les yeux fermés, visiblement très concentré à arrêter de fumer tout en inhalant du tabac. Logique, je vous dit.

« Ah ouais, à ce que je vois, ça marche du tonnerre ton truc! » Je ria de bon coeur tout en rejetant la fumée dans les airs. C'est vrai qu'après trois semaines, la routine commençait doucement à s'installer. Le fait que nous n'ayons aucune notion du temps ne fait qu'empirer les choses. Je n'avais plus aucun repère, je mangeais à n'importe quelle heure, me couchait quand j'étais fatigué - que ce soit en plein jour ou pas - et passais une grande partie de mes après midi une clope dans la bouche. Combien de temps est ce que je vais bien pouvoir passer à ce rythme un peu aléatoire? « Gabriel, c'est ça? » Je lui jeta un regard amical accompagné d'un petit sourire au coin des lèvres. J'avais retenu son prénom surement grâce au prime de la veille, où il avait tapé sur les nerfs de beaucoup d'habitants. Comme quoi des fois, les petits fights, ca peu toujours servir! A force d'entendre "Gabriel, ça suffit", j'suis callé maintenant.

Non, ma méditation pour un hypothétique arrêt de mon tabagisme ultra-sur-actif ne marche absolument pas. Faut dire que je ne faisais que plaisanter. Je rouvre donc finalement les yeux, restant sur la table malgré tout. Si j’suis bien dessus, pourquoi je m’en délogerais ? Je tire à nouveau sur ma cigarette. Avec tous ces candidats qui fument dans la baraque, nous sommes le programme sûrement le moins conseillé pour les gosses et les jeunes. Sans parler des soirées, du bar gratuit et ouvert toute la journée, et bientôt, sûrement, des orgies dans les salles de bains. Tous les parents, et tous les bons catholiques d’Australie nous haïront tous très bientôt. Ce qui est une pensée plutôt amusante. Tommi ouvre à nouveau la bouche pour demander une confirmation de mon nom. Oui, c’est vrai que nous n’avions jamais vraiment tenu de conversation lui et moi. Mais visiblement contrairement à lui, je n’étais attelé à connaitre les noms de chacun sans même les connaitre encore comme il se doit. « Ouais. Ou Gabe, ou encore Gaby. Quoi que, Gaby, c’est le nom d’un porc qui est le héros d’un film. Donc, juste Gabe. » J’ajoute, histoire de le rassurer ; « Je sais être plus sympa qu’hier soir, j’te jure. » Après, libre à lui de penser le contraire.

« Va pour Gabe! » C'est vrai, moi qui me battait en permanence avec ma petite soeur pour qu'elle regarde des programmes intelligents à la télé, je n'avais pas vraiment donné le bon exemple. Elle va se faire une joie de me montrer à quel point j'ai été un sale gosse durant mon passage dans l'émission. Je vois ça d'ici, il doit y avoir à chaque quotidienne une petite banderole qui défile "Fumer tue". Quelques minutes plus tard on aurait droit à "La consommation d'alcool doit se faire avec modération". Et enfin, pour terminer en beauté : "N'oubliez pas d'utliser des contraceptifs!". On est un peu un remake de Skin ici en faite. En moins trash, mais je suis prêt à parier que ce n'est juste parce que ce n'est que le début. Je ne suis pas sur qu'on va s'asagir avec le temps. Au contraire, à force de rester enfermé, on va juste tous devenir complétement cinglés! Même si ca peut paraitre un peu flippant, j'ai carrément hâte d'y être! « Ouais, j'espère pour toi! » Je lui accorda un gentil sourire. Il n'avait vraiment pas l'air méchant. En tout cas, il ne me faisait pas peur. Il avait un peu de caractère c'est tout, et au moins, il aura annoncé la couleur dès le début. Bon et puis après tout il n'avait pas complétement tort, Cleveland avait été un petit peu lourd ce soir là. Et oui, même moi qui ai la patience d'un Bisounours et qui ne m'énerve que rarement, j'avais un peu de mal à supporter sa façon d'être... trop.