Ft. Gabriel


Cassiopée déambulait dans la villa. Elle allait d’une pièce à l’autre, d’un candidat à un autre, d’une conversation à une autre. Elle s’ennuyait cela ne faisait aucun doute. Elle avait comme l’impression que sa présence dérangeait par moment. Elle se contentait de marcher, de faire les cents pas tout en priant pour que Taziah fasse une annonce qui allait mettre un petit peu d’action, mais il n’en était rien. Peut-être allait-elle trouver quelque chose à faire à l’extérieur. Une petite séance de bronzage par exemple, ou alors une partie de volley avec l’homme invisible et une pomme de pin en guise de balle. Elle poussait un soupir. Ses idées étaient toutes plus stupides les unes que les autres. Elle marchait encore et toujours. Le salon. Elle ne venait pas souvent ici, mise à part pour les primes et pour se rendre dehors. Finalement, si elle y venait souvent, mais elle n’y restait que le vendredi soir. Enfin, elle se comprenait. Une silhouette sur le canapé central intriguait la belle. Elle fronçait les sourcils, plissait les yeux. Gabriel. Sans réfléchir, elle attrapait un coussin pour le lancer sur le garçon avant qu’elle ne vienne s’installer à ses côtés, en tailleurs, un air innocent sur le visage. Elle levait les yeux aux ciels. « T’as vu, y’a des coussins qui tombent du ciel. » disait-elle d’une voix toute douce en pointant le plafond de son index.

Et paf, dans ma face, le coussin sorti de nulle part. Je sursaute, j’étouffe un cri de surprise, faudrait pas avoir l’air plus con que je ne le suis déjà. Mais quand même, putain, c’est quoi ce bordel ? Je ne comprends ce qui m’arrive que lorsque je dégage ma face de mon assaillant et que je vois Cassiopée assise près de moi, avec un large sourire innocent. Les coussins tombent du ciel, qu’elle dit. Je fais mine de la croire, et prends un air paniqué. Je saute presque sur elle, la chope fermement dans les bras, aussi peureux qu’une fillette –et ma virilité qui en prend un bon coup, ça c’est fait. « Putain, les coussins nous attaquent ! » Je lui fous son propre projectile sur le visage, avant d’ajouter ; « Vite mets-toi à l’abri. » Ah ouais, c’est clair que face à un coussin comme bouclier, même une attaque nucléaire peut pas test. En cas d’invasion, ça va lui sauver la vie, j’te jure. J’appuie légèrement sur l’oreiller pour que Cassy se taise. Après quelques secondes de silence, je la laisse respirer. « Ah bah, non, plus rien. C’est peut-être ta présence qui attire les attaques de coussin. Ou alors, t’es une espionne, une traitresse. » Je pense très sincèrement que la production s’amuse à me filer des clopes qui ne contiennent pas que du tabac.

Elle levait les yeux au plafond d'un air totalement innocent. Des coussins qui tombent du ciel, allons bon il ne manquait plus que ça. Sans qu'elle ai le temps de dire quoi que ce soit, là voilà qui se retrouvait prise au piège dans les bras de Gabriel. Le garçon ne se gênait pas pour étouffer la belle avec le même coussin qui lui avait servit à l’assommer quelques instants plus tôt. Oh le bougre. Elle essayait de parler, mais sans réel succès. Il appuyait un petit peu plus sur le bâillon pour qu'aucun sons ne sortent de sa bouche. Oh le con. Une poignée de seconde plus tard, il lui redonnait sa liberté. De ses petits poings, la gamine venait taper contre le torse de Gabriel. De petits coups qui n'avaient aucun impact sur lui. Enfin, du moins c'était ce qu'elle pensait. Une espionne, une traîtresse. Un rictus venait se dessiner sur ses lèvres.  « En réalité, je suis la princesse de la planète des coussins. » disait-elle d'une petite voix douce et enfantine. Pour conclure, l'un de ses poings venait atteindre le torse du garçon.

Une fois libérée, la jeune femme ne semblait guère contente de s’être retrouvée assaillie par son propre projectile. Elle tente, sans grand succès, de me frapper de ses poings sur mon torse. J’en ris, tant on dirait une petite fille déchainant sa colère avec ses petites forces. Roh, allons bon, pourquoi tant de haine ? J’avais juste voulu la protéger de l’attaque des coussins mutants. Si elle est pas contente, elle a qu’à crever là. Sauf si elle est de mèche avec eux ; elle annonce donc qu’elle est la princesse de la planète des coussins. Evidement. Logique. Normal. Parfaitement. Lizzie et moi avions déjà décrété que nous venions de deux planètes différentes. Ca nous fera une pote de l’espace en plus. « J’aurais dû m’en douter. » Très dramatique, comme phrase. Tous les héros se disent, à un moment, qu’ils auraient dû s’en douter que le méchant savant fou allait inventer une machine à clafoutis pour envahir le monde, ou d’autres conneries. « Dans ce cas, je te propose d’épargner la Terre et de faire la paix entre nos peuples par le mariage. » Faites l’amour, pas la guerre. Non mais, je plaisante, je la demande pas en mariage, hein.

Bien évidemment qu’il aurait dû s’en douter. On pouvait bien voir d’une dizaine de kilomètres que Cassiopée n’était pas une jeune femme comme les autres. Elégante à souhait, une silhouette à faire pâlir les futures Miss Monde et aussi gracieuse d’une ballerine, cette nana avait tout d’une digne princesse venant tout droit d’une autre planète. Ou pas. « Attends y’a qu’à me voir pour se rendre compte que premièrement je ne viens pas de la même planète que vous autres pauvre petits terriens et que deuxièmement j’ai tout d’une princesse intergalactique. » lâchait-elle sur un air hautain alors qu’elle se redressait légèrement pour donner un peu plus d’impact à ceux qu’elle venait de dire. Soit cette gamine avait été bercée un petit peu trop près du mur étant petite, soit elle aimait s’amuser et raconter n’importe quoi tout simplement. Elle tournait la tête vers Gabriel. Elle semblait fascinée par ce garçon, mais bien vite un éclat de rire sortait de sa gorge. Epargner la terre et de faire la paix en scellant cet accord par un mariage ? « Tu penses réellement que je suis aussi facile à acheter ? » demandait-elle alors qu’un sourire mutin s’emparait de ses lèvres. Elle aurait dû penser à faire comédienne. Non, franchement toute cette scène semblait tout droit tirée d’un navet que l’on passe bien trop souvent à la télévision.

Je crois que j’ai vu ça dans un film, ou dans une série, le coup d’éviter une guerre par un mariage entre les deux camps. Ou dans un bouquin d’histoire. Je sais pas, je pionssais en cours la plupart du temps. Je retenais mieux les musiques de pubs que mes cours. Mais sortir le slogan de Pépito sur une copie d’Anglais ne mène nulle part. En bref, je sais plus d’où je tiens ça. Ca me semblait juste adéquat dans notre délire d’invasions de coussins volants menés par une princesse intergalactique. Bonjour, j’ai sept ans. « Je ne comptais pas t’acheter. Plutôt, t’offrir ton poids en oursons en guimauve pour que tu tombes dans mes bras instantanément. » Comment pourrait-elle résister ? Rien qu’au cas où, je glisse du canapé pour mettre un genou à terre. Je prends ses mains dans les miennes. « Allez, épouse moi, princesse des coussins volants. » Voilà, j’ai touché le fond.

Lui offrir son poids en ourson en guimauve pour qu’elle tombe dans ses bras instantanément ? Non. Non. Non. Hors de question. Premièrement elle risque de s’empiffrer comme une grosse baleine jusqu’à épuisement du stock et deuxièmement … « Je ne veux plus entendre parler d’ourson en guimauve parce qu’après je me retrouve à poil dans la salle de bain pendant que monsieur se rince l’œil. D’ailleurs, si mon peuple apprends cela il va te torturer jusqu’à ton dernier souffle. » disait-elle d’une voix qui se voulait volontairement douce et sadique sur la fin. La gamine observait le mur qui se trouvait face à elle et par moment elle jetait un coup d’œil en direction de Gabriel. Il faisait quoi là ? Un genou à terre, il attrapait avec délicatesse les mains de la demoiselle pour les serrer légèrement dans les siennes. Deux comédiens en pleine action. Elle plongeait son regard pétillant dans le sien. « Je ne peux pas. Je ne supporterais pas de passer après toutes les autres, après celles qui passent leur temps à te courir après. » lâchait-elle sur une petite voix toute douce et innocente alors que son regard se perdaient sur la baie vitrée qui se trouvait un petit peu plus loin. Elle venait tout doucement se mordiller l’intérieur de la joue pour ne pas se mettre à rire.

Ah oui, évoquer les oursons en guimauve n’était finalement pas une bonne idée ; Cassiopée en profita pour remettre sur le tapis que je l’ai enfermée nue dans la salle de bains. J’ai même peur que cela ne mérite une vengeance de sa part, et plus réelle qu’une torture de coussins. « Et ils vont me faire quoi, tes sous-fifres ? Me chatouiller avec leurs plumes jusqu’à ce que mort s’en suivre ? » Faudrait pas que j’aille lui donner des idées non plus. Surtout que je suis mortellement chatouilleux ; il me faudrait pas longtemps pour en crever. Non, essayons plutôt de nous faire pardonner cette vilaine farce. Je mets carrément un genou à terre pour demander sa main à Cassy. Elle me rend mon regard ; je manque d’étouffer de rire. Un peu de sérieux, Gabe. T’es en pleine demande en mariage quand même. Mais elle refuse, disant qu’elle ne veut pas être une parmi d’autres. Je lui lance un regard dépité, le genre du chien battu abandonné sous la pluie. Puis je regarde autour de moi ; droite, gauche, derrière. Forcé de constater qu’aucune personne n’est en train de débouler comme une furie pour me sauter dessus, j’en conclus ; « Mais je ne vois personne qui me court après, pourtant. » J’insiste, avec mes grands yeux de clébard, l’air innocent. A peu de choses près, on se croirait dans un soap à deux balles.

« Pire que ça. Ils sont capable de t’écarteler au beau milieu de la place publique avant de découper en morceaux les restes de ton corps pour te bouffer tout cru et après ils vont défiler dans les rues en brandissant une fourche sur laquelle reposera ta tête. » déclarait-elle d’une petite voix presque tremblante. Elle posait son regard sur Gabriel avant de venir déposer l’une de ses mains sur la joue du garçon avant de laisser ses doigts glisser sur la mâchoire de son partenaire de jeu. Elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour s’empêcher de rire, venant même à ne plus le regarder durant quelques secondes. Ah non, pas le coup des yeux de clébard battu ou la gamine risque d’exploser de rire d’une minute à l’autre. Pourtant il insiste et joue même le jeu jusqu’à regarder autour de lui. Personne dans les alentours. A son tour Cassiopée regardait à droite, à gauche, derrière elle et même derrière Gabriel. Elle haussait les épaules. « Elles sont cachées et attendent le bon moment pour venir me tuer à coup de pelle juste parce que j’ai osé t’approcher. » disait-elle en chuchotant tout en mettant son index sur ses propres lèvres pour lui indiquer qu’il ne fallait pas qu’ils fassent de bruit. Une nouvelle fois, ses dents venait mordre l’intérieur de sa joue. « AIE. » Instinctivement, elle venait couvrir sa joue gauche de sa main. Non, mais elle était cannibale ou quoi ? Un peu plus et elle en arrivait à s’arracher le morceau.

Cassiopée cherche à son tour les fameuses groupies dont elle parle, censées me courir après. Sérieux, si quoi que ce soit me court après, j’suis pas au courant, et je plaide non coupable. La jeune femme prétend donc, puisque nous ne voyons personne autour de nous, que ces filles en question sont cachées en attentant le moment opportun pour frapper. « Ton secret serait pas d’être complètement paranoïaque, par hasard ? » Je lui chuchote, vu qu’il ne faut pas faire de bruit. Vous savez, les groupies en délire ont une ouïe surdéveloppée. Ca ferait presque peur. Faut durement s’empêcher de mourir de rire, pour que scène soit crédible, voyez. Mais Cassy en vient à se mordre si fort la joue qu’une exclamation de douleur lui échappe. Non, sérieux, quelle cruche. A cause d’elle, je termine de perdre mon sérieux et explose de rire, la tête posée sur ses genoux. « Cassy, princesse, faites pas mal à vot’ royale joue ! » j’articule difficilement. Finalement, je respire un grand coup pour me calmer. Je me redresse un peu et viens déposer un bisou furtif sur la joue de la belle. « La magie du baiser du prince charmant, fini la douleur. »

Complètement paranoïaque ? Elle ne pouvait s'empêcher de laisser un sourire naître sur ses lèvres. « C'est exactement ça. Enfin ... » Elle marquait une courte pause avant de faire une petite grimace enfantine. « Mon véritable secret est le fait que ma marraine la fée a eu la bonne idée de me jeter un mauvais sort à ma naissance et du coup j'en suis devenu complètement folle. » concluait-elle en murmurant. Sa marraine la bonne fée ? N'importe quoi. Remarque Cendrillon, Cassiopée c'était presque pareil. Non ? Ouai, beh ça commence par la même lettre tsei. La gamine venait de mordre l'intérieur de la joue, un petit peu trop fort ce qui faisait rire Gabriel. Elle lui jetait un regard noir. Au lieu de rire, il pouvait venir la sauver ce serait bien plus utile. Pff. Finalement, elle n'avait pas besoin de se plaindre que déjà il venait déposer un baiser furtif sur la joue de la demoiselle qui lui répondait par un sourire. « Et le pire c'est que t'as vraiment le physique du prince charmant. » lâchait-elle en haussant les épaules avant qu'elle ne lui fasse un signe de la main pour qu'il s'approche d'elle. Elle l'observait d'un regard malicieux avant qu'elle ne vienne à sentir un gout bizarre dans sa bouche. Du sang. « Tu crois que si je bois ton sang, je vais me transformer en vampire ? » Allo la lune, ici la terre. Faites quelque chose elle débloque cette nana.

« Ouais, je vois que t’es plutôt folle. Mais c’est pas trop grave, t’en fais pas. Jt’aime bien comme ça. » Je fais en tapotant son genoux comme on rassure un enfant qui vient de faire une bêtise. Après tout, si c’est une bonne fée qui l’a rendue ainsi, c’est pas de faute à la pauvre Cassiopée. Il faut la plaindre ; c’est elle qui doit vivre avec une case en moins chaque jour jusqu’à la fin de sa vie. Pauvre petite. Je déposais donc un baiser sur sa joue pour la « guérir » de la douleur qu’elle s’était affligée toute seule, comme une grande. Le baiser du prince charmant, savez, on peut pas test. C’est magique. La jeune femme me rétorque que j’ai en effet le physique d’un prince charmant. Non mais sérieusement ? J’ai une tronche à avoir les cheveux au vent en me baladant avec une couronne sur la tête sur un preux cheval blanc, saluant le peuple avec un sourire Colgate après avoir sauvé la princesse ? Ah, quoi que. Merde. Sans commentaire. « Si ça se trouve, j’en suis vraiment un. » Ouais, ça pourrait être cool. Financièrement parlant. Si je peux troquer mon appartement contre un énorme château, j’dis pas non. Cassy me fait signe d’approcher. Je m’exécute. Elle demande si elle pourrait se transformer en vampire en buvant mon sang. « On ne le saura pas si t’essaye pas, mais je préfèrerais autant garder mon sang à l’intérieur de mon corps, ça pourrait m’être utile. » Je voudrais bien repartir de cette discussion étrange avec Cassy en un seul morceau, et en vie, si possible.

Il pouvait affirmer ce qu’il voulait, crier partout qu’il était le prince charmant de la maison, le seul homme idéal présent sur cette terre, elle ne le croirait pas. Du coin de l’œil, elle l’observait. Il n’était pas mal fait, mais il y avait quelque chose qui clochait. Quoi ? La gamine n’en savait rien, mais elle finirait bien par trouver. Voilà qu’elle se prenait pour un vampire maintenant. Elle avait très certainement bien trop bavé devant le héros de la soupe immonde qu’était Twilight. Ou pas. Ce n’était pas son style de gars, ni même son style de films. Il s’approchait tout en lui indiquant qu’il voulait garder son sang à l’intérieur de son corps. Un sourire malicieux venait se dessiner sur les lèvres roses de la jeune femme. Elle ne répondait, se contentant d’attraper avec beaucoup de délicatesse le col du haut que portait Gabriel. Tout doucement, elle l’attirait vers elle. « On ne le saura pas si t’essaye pas ». Il aurait mieux fait de se taire. Elle approchait ses canines de la nuque du candidat, les laissant frôle sa peau avant de se rétracter et de ne déposer qu’un baiser furtif à cet endroit-là. Finalement, elle le lâchait se laissant porter en arrière contre le dossier du canapé tout en poussant un soupir. Elle approchait ses jambes de sa poitrine pour les encercler de ses bras fins. L’un de ses joues venait se coller contre ses genoux alors qu’elle regardait ailleurs, à l’autre bout de la pièce. Son secret ? Je sors de l’asile. Fort possible quand on ne la connait pas vraiment.

J’aurais dû me taire ? Peut-être, mais je n’avais nullement peur des petites canines de Cassiopée s’approchant de mon cou. Elle me tenait par le col du T-shirt, et c’est bien consentant, jouant le jeu, que je la laissais me tirer un peu plus vers elle, la demoiselle en quête de vampirisation. Je crois qu’elle a abusé des Twillight, autant les films que les bouquins, et autres daubes basées sur les vampires qu’on voit fleurir depuis quelques années –quelques trop nombreuses années. Mais si ça peut lui faire plaisir. Un sourire amusé étirait même mes lèvres, tandis que son visage s’approchait et ses lèvres frôlaient ma peau. Mais pas de morsure, non, juste un rapide baiser à la place. J’vais sûrement finir par penser que j’ai la peau gouteuse. Je suis ensuite surpris de voir Cassy se replier sur elle-même, genoux contre sa poitrine, comme une enfant. Je la regarde, la scrute, la tête penchée sur mon épaule droite. Je reprends ma place initiale, sur le canapé, assis à côté d’elle, sans la lâcher du regard. Mon index vient se poser sur son bras pour la pousser légèrement, comme pour vérifier qu’elle est toujours en vie. « Quelque chose cloche ? » je demande en arquant un sourcil. Enfin, je m’attends à ce qu’elle me dise que tout va bien et m’invente un nouveau scénario délirant, comme si de rien n’était. Ca me semblait presque normal de sa part. Mais sait-on jamais, je préfère demander.