Assis sur le muret de la terrasse, je profite du Soleil un instant. Une cigarette entre les doigts, parce que je ne me nourris que de ça. Je regarde le ciel se ternir, au fil des minutes. On entend d’ici les gens dans la piscine rire et plonger, la musique qui passe par les portes-fenêtres du salon, on peut même sentir que quelqu’un s’est mis à cuisiner. J’ai une bière près de moi. Je dois avouer que je suis tout simplement bien. C’est la belle vie, dans les villas de l’émission. Je pense qu’on a pas de quoi se plaindre. Quand le Soleil n’est presque plus, je m’allonge sur mon muret, un genou replié et un pied dans le vide. Je resterai là pendant des heures. Sauf que, ouais, ça fait déjà des heures que je suis là. A enchainer clope sur clope. J’étais jusqu’alors seul. Mais des bruits de pas claquant sur le parquet de la terrasse me firent poser le regard sur la jeune femme arrivant ; la blonde Ocyllie. « On fuit la compagnie des autres ? » je lance, me doutant qu’elle ne se ramène pas pour mes beaux yeux.

J’avais passé l’après-midi dans mon lit. Aller savoir pourquoi, j’étais fatiguée. J’avais dormi comme un bébé, ou comme une vieille merde, ce n’était que nuances. Je me réveillai vers les environs de dis huit heures trente. Je savais qu’à présent je ne dormirais pas de la nuit. Tant pis. Je me levais, m’habillais, me rinçais le visage à l’eau fraîche histoire d’atterrir bel et bien sur la terre ferme. J’attrapai ensuite mon paquet de cloques, mon briquet et me dirigeais vers la terrasse histoire de m’en fumer une, clôturant ainsi ma phase de réveille. Je ne m’attendais pas à tomber sur quelqu’un, pourtant, c’était le cas. Gabriel squattait l’endroit. Il m’interpella directement, en me demandait si je fuyais la compagnie des autres. « Toutes sauf la tienne, loveur. » lui répondis-je avec ironie. Le ‘loveur’ faisait référence à ses prouesses de la semaine passée, à savoir le fait qu’il avait roulé une belle galoche à la Quincy, d’après ce qui avait été dit lors du prime. J’allais à ses côtés, m’essayant sur le muret alors qu’il y était allongé. « Ca fait longtemps que t’es là ? C’est pas méchant, mais tu ressembles à une épave, ou à un déprimé, je ne sais pas... » Lui dis-je, sincèrement. Puis je détournais mon regard, attrapa une clope et l’enfilai entre mes lèvres. Je l’allumai et commençai à consommer telle une droguée ce foutu tabac.

Lover ? Oh putain, je pense que c’est mort, ça va me suivre pendant tout le temps où j’serais en jeu. C’est-à-dire, un max de temps, j’espère. Je fais mine de pas noter ce mot. J’assume plutôt bien mon statut dedit coureur de jupons, mais uniquement lorsque personne d’autre ne se met à me le faire remarquer. On a souvent l’impression que nous sommes les seuls à avoir le droit de nous assener les pires jugements, mais que les autres n’ont même pas l’autorisation d’y penser. C’est assez ridicule, au fond. « J’étais certain que tu ne pouvais déjà pas te passer de moi. » Je réponds avec un sourire amusé, pour plaisanter. De toute manière, je suis trop mauvais en répliques narcissiques de gars macho pour qu’on puisse croire que j’le pense. Ocyllie vient poser ses fesses pas loin de la tête, elle a aussi une clope au bec. Elle ajoute que je ressemble à une épave. Moi qui me croyais naze en compliments. « C’est gentil. » je fais remarquer avec une pointe d’ironie, avant de me redresser, assis à côté d’elle. Je tire sur ma cigarette avant d’ajouter ; « J’dirais que ça fait deux bonnes heures. Et je ne suis pas un déprimé, pour ton information. C’est juste que… » Oh putain, je vais encore avoir l’air ridicule. Ca craint. Mais j’continue, avec un soupir trahissant ma propre exaspération ; « … j’aime bien me poser pour regarder la nuit tomber. C’est cool. » Et puis, y’a pas de mal, quoi.

J’haussais les sourcils en hochant de haut en bas ma tête. J’acquiesçais, faussement convaincue que ouais, je ne pouvais carrément plus me passer de lui. Evidement, ce n’était pas le cas. Il était sympa, certes, mignon même. Mais ça n’allait pas au-delà. Passons. Il semblait prendre plutôt bien mon compliment. Ironie partagée. Pourtant je ne lui avais même pas fait part de mon impression dans un but mesquin. Non, c’était tout ce qu’il y avait de plus sincère. Je lui adressais ainsi un bref sourire, évitant un ‘de rien’ inutile, tout en l’observant se redresser à mes côtés. Je tirais quasiment en même temps sur ma clope que lui le faisait, alors que je l’écoutais se justifier. Il était là depuis deux bonnes heures, et c’est moi qui fuis les autres ? L’idée me fit sourire. Puis il continuait tandis que j’écoutais son explication attentivement. Il aimait regarder le coucher du soleil… « T’es carrément trop romantique comme mec, je craque. » lui dis-je, taquine, alors que je pouffais un rictus que jusqu’à là, face à tant de sérieux, j’essayais de contenir. Comme quoi, il l’entretenait bien son image de lover. « Non mais t’as raison, c’est cool. J’aime bien aussi. » ajoutais-je, plus sérieusement alors que je tirais à nouveau sur ma cigarette, tournant un instant mon regard en arrière, vers le ciel. « Mais bon, ça fait tôt pour un coucher de soleil… » remarquais-je, avant de continuer. « … c’est pas plutôt toi qui fuirait la compagnie ? » demandais-je en lui adressant un sourire en coin, tapotant mon coude contre le sien. Il voulait peut-être être seul. Je ne pouvais pas le deviner. Mais au fond, je n’étais pas bien chiante et s’il voulait que je le laisse en compagnie de sa solitude, je le ferais.

« T’es carrément trop romantique comme mec, je craque. » Si ça ne tenais qu’à moi, j’me tournerai vers elle et j’lui tirerai la langue avec un « gnaagnaagnaa » super mature. Mais vu que j’ai plus cinq ans, j’me contente d’un « T’as vu ça. » Bien sarcastique. Elle se rattrape à la phrase suivante, mais j’y fais pas gaffe. J’veux pas vraiment savoir si c’est encore pour me taquiner ou pas. Au pire, tant mieux pour elle. Elle fait remarquer qu’il est encore tôt. Ce qui laisse penser que j’étais parti pour rester là encore quelques heures, en plus des deux heures déjà passées. En gros, je passe sûrement pour un asocial sentimental. Gé-nial. Enfin, c’est ce que la question d’Ocyllie me laisse penser. « Si je voulais pas de compagnie, je t’aurai jeté depuis un bail. » je fais remarquer en haussant les épaules. Et j’peux être tellement aimable quand je veux, qu’elle n’aurait pas vraiment eu d’autre choix que d’aller voir ailleurs. Mais non, sa présence ne me gêne pas. Au contraire. Après deux heures à seulement adresser un Bonjour aux candidats de passage, causer à quelqu’un ne peut pas me faire de mal. « Alors comme ça, ton idéal amoureux est un mec grande gueule et irrespectueux avec un sourire Colgate ? » Je parle bien évidement de Beau. On peut dire que j’ai pas une très bonne image de lui. Le fait qu’il ait provoqué un membre de mon équipe, et que celui-ci se fasse réprimander, injustement à mes yeux, et venir ensuite se poser en victime… Ca me laisse plutôt sur le cul. « Rassure-moi, t’as pas demandé quelqu’un de semblable à toi, si ? Parce que j’pense que j’le croirais pas. » Ouais, y’à une sorte de petit compliment caché incognito là-dedans. Juste histoire de dire qu’elle m’a l’air dans avoir plus dans le crâne que son partenaire.

Il disait que si me compagnie lui déplaisait, il m’aurait jeté depuis longtemps. A vrai dire, je ne savais même pas comment le prendre. Il laissait entendre dans cette phrase une arrogance que je ne lui avais pas accordée jusqu’à présent et pour tout dire, ça me mettait presque mal à l’aise de le découvrir autrement que comme j’avais pu le juger. Peu importe, je faisais abstraction à cette réplique, même si véritablement, il n’avait rien dit de mal. Puis il enchaîna sur Beau. « Alors comme ça le tiens est ou une jeune femme over-stressée, ou une nympho ? » Enchaînai-je, spontanément, d’un sourire narquois. Je n’avais rien contre les personnes citées derrières ces expressions, je ne les connaissais même pas. Il jugeait mal mon binôme, je jugeais sans aucun doute mal le sien… et ses goûts en générale. C’était bas et enfantin, n’est-ce pas. Et je savais qu’on risquerait peut-être même de me faire regretter ce que j’avais pu dire, mais tant pis. Je détournais finalement mon regard sur le côté tout en tirant une nouvelle fois sur ma cigarette. « Mais, non, mon idéal amoureux n’est pas comme ça, et Beau non plus d’ailleurs. » répondis-je doucement, clairement. Je n’aimais pas que l’on puisse juger mon partenaire ainsi. C’était faux, non fondé… énervant. Mais je n’avais pas envie de m’énerver, ou pas contre lui. Je pense que je l’appréciais bien, au fond. Comme dit, il était sympa, voire même amusant. Et finalement je lui adressais un sourire bien plus clément et sincère en écoutant la suite. « Non, j’ai pas demandé quelqu’un comme moi. » lui avouais-je. Je tirais une dernière fois sur ma clope avant de me lever pour l’écraser dans le cendrier déposé sur la table basse. Puis je m’approchais à nouveau du jeune homme. « T’sais au début, j’ai d’abord pensé que c’était toi, mon binôme. » lui avouais-je en riant doucement. Ca aussi je pense qu’il ne tarderait pas à me le faire regretter, mais importe, je me laissais aller aux confidences, sans vraiment en avoir de raisons. Ca doit être le coucher de soleil… hm.

Je juge peut-être mal Beau, qui sait. Mais de ce que j’en ai vu, j’ai pas tellement envie de gratter la surface. C’est sûrement puérile, mais j’pense qu’on juge les gens sur leurs actes. Et il a pas brillé par sa noblesse, l’apollon. Je devine déjà à la question qu’elle me réplique qu’Ocyllie n’est pas de mon avis sur son binôme. Normal, ils ont pas étés foutus ensemble pour rien. « Stressée, ou nympho, ou même les deux à la fois, ça m’plait bien. » je réponds en haussant les épaules, pour plaisanter. C’était faux, mais elle s’en doutait sûrement. C’est ma manière de dire que je suis un peu crétin pour avoir dénigré Beau devant elle. Et que pour me rendre la pareille, elle pouvait bien critiquer mes goûts. Elle m’assure que ni son idéal, ni Beau, ne correspondent à la description que j’en ai faite. Je veux bien la croire ; faudrait qu’elle ai une case en moins pour demander un mec du type dont j’ai dressé le portrait. Du coup, par curiosité, je me demande ce qu’elle pouvait attendre. Comme je le disais précédemment, ils ont forcément été mis ensemble pour une raison. Parce que c’est ‘censé’ coller. Quoi qu’elle n’a pas demandé quelqu’un comme elle –et j’ai du mal à cacher une sorte de soulagement. Parce que je ne suis pas sûr que je supporterai ce que j’ai vu de son partenaire, mais au féminin. Qu’importe si elle est aussi belle. Après avoir écrasé sa clope, elle m’avoue qu’elle pensait que j’étais son binôme au départ. Je ne cache pas ma surprise ; « Moi ? » Non, le pape, crétin. « Oh, eh bien, j’suis flatté que t’ai pensé à moi… » Je lui adresse un sourire avant de terminer ma cigarette. Sur son exemple, je vais l’écraser dans le cendrier. « C’est drôle, parce que j’avais aussi pensé à toi en premier lieu. » j’ajoute, sincère. « T’es un peu du genre de fille que je fréquente en général. » Et avec qui ça ne marche jamais longtemps. Ceci explique cela. « Le genre, belle et qui est bien au courant de l’être, sûre d’elle, forte tête, et qui pense que tout n’est que jeu. » Malheureusement. Mais je n’apprécie plus autant qu’avant d’être prit pour un jouet dont on pense qu’il ne sera jamais jaloux des autres jouets de madame. Je ne suis pas certain qu'Ocyllie prendra bien mes propos. Ils n'ont rien de méchant, au fond. Je crois.

Il se rattrapait, ou au moins essayé. C’est sûre, critiquer mon binôme n’était sûrement pas le meilleur sujet de conversation que nous pourrions avoir. Beau était jusqu’à présence la seule personne en laquelle j’avais confiance. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde s’obstiner ainsi à lui coller l’étiquette du méchant de ‘part of me’. Gabriel était tout de même nul, nul au point de me faire rire par sa réponse. Il n’était pas sérieux. Et bien heureusement encore. Quoiqu’il en soit. Je lui avais alors révélé que je le pensais être mon binôme. C’est vrai, même si je ne le connaissais pas, j’avais rapidement remarqué son physique vantard, je ne tardais non plus à retrouver en lui des qualités que je prônais… Mais finalement, non, ce n’était pas lui. Aujourd’hui, j’avais Beau, je ne pouvais pas m’en plaindre non plus. Il se révéla néanmoins flatté, d’après ce qu’il disait. Je lui souris en retour, avant d’écouter, surprise qu’il pensait de même à mon sujet. Un signe ? Sûrement pas, je trouvais néanmoins la ‘coïncidence’ amusante. Pourtant, il aurait mieux fait de s’en arrêter ici. Plus je l’écoutais, et plus le charme qu’il venait de s’offrir en mettant à nu cette découverte se dissipait. J’étais ‘le genre de fille’ qu’il fréquentait. Je ne savais pas comment le prendre. Sachant qu’il est ici, aujourd’hui, en célibataire, j’en déduis que j’étais plutôt son ‘genre d’ex’ quoi. Néanmoins, il continua dans une description qui ne se voulait pas particulièrement flatteuse. « Le genre de garce, en gros. » résumai-je, banalement, affichant un sourire qui voulait le réconforter dans sa maladresse. Cela faisait pourtant trop de ‘genre’ en trop peu de phrases. Et dans tout ça, il ne devait sûrement pas se rendre compte qu’il se montrait vexant. « Donc si je résume, je suis le genre de garce de ton genre d’ex… Plutôt flatteur. » Ironisai-je alors que je regagnais à nouveau le muret sur lequel je m’asseyais. « Et si je ne l’étais pas ? » lui demandai-je. Il ne me connaissait pas, moi-même, je ne le connaissais pas. Ce n’est pas après une discussion que l’on cerne une personne, et sûrement pas moi, même si l’on prétend le contraire. Pourtant, il semblait certain de son affirmation. « Et toi, dans tout ça, t’es quoi ? » le questionnais-je, derrière un délicat sourire en coin. J’avais eu le droit de connaître ce qu’il pensait de moi, pourquoi pas ce qu’il pensait de lui-même à présent.

A mes yeux, je ne dis rien de vexant, rien de bien méchant. Je pense qu’il n’y a pas de mal à dire quelle impression j’ai, sans pour autant lui coller définitivement l’étiquette de la fille que je viens de décrire. Mais j’ai sûrement tort, et je ne me rends compte de la maladresse de mes paroles que lorsqu’elle en conclut que je la prends donc pour une garce. Dis comme ça, j’ai vraiment l’air d’un mec sympa. La jeune femme ironise tout de même ; c’est réconfortant, et d’un autre côté je passe pour un salop. Elle ne doit pas avoir de meilleure description à faire de moi pour le coup. Je relativise, me disant que j’ai fait qu’avouer qu’elle est, d’après ma première impression seulement, le type de femme qui me plait en général. Ce qui fait de moi un masochiste aimant les garces. Un cas désespéré. Ocyllie remet en question mon avis sur sa personne, affirmant qu’il se peut qu’elle soit autrement. Et si elle n’était pas ce ‘genre’ de fille ? « J’espère que tu l’es pas. » je réponds avec un petit espoir de rattraper ma connerie. Après tout, j’aimerais d’autant plus qu’elle ne corresponde pas au portrait que j’ai dressé. Et moi, qu’est-ce que je suis ? Je ne m’attendais pas vraiment à la question. Mais instantanément, je ne peux pas m’empêcher de fredonner un « I’m a creep, I’m a weirdo… » tiré de Radiohead. « Pardon. » fais-je pour m’interrompre avec un sourire nerveux. Non, c’est pas le moment de chantonner. Sans complètement reprendre mon sérieux, je me penche sur la question. « Je suis… le genre qui se fout plus ou moins de tout, qui aime être vu, mais qui va virer au rouge tomate à la moindre parole gentille, assez grande gueule… » J’ajouterais bien que je peux être relativement altruiste, mais ça fait prétentieux. « …et le mec assez maladroit, ou idiot, pour dire à une femme qu’il trouve sympathique qu’elle lui fait penser à une garce. » Mon regard s’est posé sur le sol tandis que je me rassied près d’elle. « Ah, et qui aime bien le coucher de soleil. » J’esquisse un sourire. Avec toutes les qualités dont je viens de me faire la liste, j’en viens à me demander comment on peut penser que je suis un « lover ». Finalement, je relève les yeux et plante mon regard dans le sien. Un sourire gêné accompagne mon « Désolé. » concernant mes précédentes paroles, sûrement plus vexantes que ce que je pensais. Trop maladroit.

Finalement, il espérait que je ne concorde pas avec le portrait qu’il avait fait de moi. Ca devenait trop ambigu à mon goût, dans le sens où je ne cernais pas spécialement le but de cette affirmation. Néanmoins, je persistais à croire qu’il avait dit cela pour se racheter et cette supposition me plaisait bien plus que toutes les autres. Je lui adressai pour le coup un délicat sourire. Puis il répondait à ma question en chantonnant une fameuse chanson de radiohead. J’arquai un sourcil, perplexe, avant de rire doucement. Je savais ce qu’il était ; cet homme était un guignol. Mais j’écoutais attentivement la suite. Il se décrivait comme un mec qui se fichait de tout, aimait être au centre de tout (en gros), qui reste néanmoins timide tout en ayant une grande gueule. En effaçant sa timidité, son portrait rejoignait presque celui de la garce, non ? Peut-être nous ressemblions plus que nous n’aurions pu le penser. Mais cette idée m’échappait rapidement alors qu’il poursuivait. Un doux sourire s’étendit le long mes lèvres alors que j’écoutais la suite. Il était mignon après tout, maladroit, mais il en restait adorable. Il me rejoignit sur le muret, pour ajouter que aussi, il aimait le coucher de soleil. Je soupirai doucement, amusée, alors que je relevais les yeux sur lui. Pendant un léger instant, nos regards se confondaient et alors qu’il s’excusait, je me sentais atrocement gênée. Aussitôt, je détournai mes yeux. « T’as pas à t’excuser… » répondis-je. « …au moins t’as la mérite d’être franc. » repris-je, sincèrement en haussant les épaules. Je savais à présent l’idée qu’il se faisait de moi, au moins. « J’te trouve sympathique aussi, en passant. » ajoutai-je, tout relevant mon regard sur lui. C’était plutôt gentil, non ? J’attendais maintenant qu’il vire ‘au rouge tomate’, comme il l’avait dit précédemment. Et finalement, j’enchainai « T’sais, je suis plutôt certaine qu’au fond, t’es aussi salop que je suis garce. On s’accorderait bien. » plaisantai-je alors que je ressortais une clope de mon paquet pour me remettre à en fumer une. Après avoir tirer une latte, étant quelqu’un d’évidement bien élevée, je me permis tout de même de partager. Je la lui tendis, attendant qu’il l’accepte ou la refuse.

Je suis pas du tout du genre à m’excuser aussi sincèrement pour mes bourdes, en général. Sauf quand il est évident que j’ai merdé. Ce qui était le cas. Mais bizarrement, Ocyllie a l’air gênée par mes excuses, disant même qu’elles n’avaient pas lieu d’être. Je pense qu’au contraire, je pouvais pas continuer la conversation comme si de rien n’était et passer pour un crétin. Pour elle, je suis franc, au moins. C’est autant une qualité qu’un défaut, c’est bien connu. Elle ajoute qu’elle me trouve même sympathique, elle aussi. Moi j’ai comme l’impression qu’elle a pas toutes les lumières allumées, la demoiselle, pour quand même dire que je suis sympa. Je ne m’y attendais pas vraiment. J’esquisse un sourire, gêné par la bonne volonté qu’elle mettait à m’aider à rattraper mes conneries. Mon regard fuit vers le sol. Pas moyen, mes pommettes ont rosi. Ouais, la preuve qu’elle est sûrement pas complètement la « garce » que je pensais. Si elle l’avait été, elle ouvert sa « grande gueule » pour me dire d’aller me faire voir. Ou elle m’aurait enfoncé. Mais non, que dalle. Ouais, officiellement, je l’aime bien. On s’accorderait bien, qu’elle dit. « On dirait, ouais. Un sacré duo. » j’acquiesce avec un sourire. J’espère seulement que le fait qu’elle ai cru que j’étais son binôme au départ ne vienne pas m’accoler l’image de Beau. J’me verrais mal me faire surnommer Ken. Ocyllie me tends la cigarette qu’elle vient d’allumer. Je la prends entre mes doigts et dis en l’observant ; « Un baiser indirect, quelle chance. » Un léger rire m’échappe. Je tire longuement sur la clope avant de la lui rendre. Des volutes de fumée traversent doucement mes lèvres. C’est amusant de les regarder se dissiper dans l’air. A mon tour, je prends la bière à peine entamée posée près de moi sur le muret, et la dispose entre nous deux. Silencieuse invitation à partager. « Tu m’as pas dit pourquoi t’as pensé que j’étais ton binôme. » dis-je après réflexion.

Il acquiesçait, sans rien ajouter plus pour autant. Il semblait convaincu. Ouais. Sacré duo, comme il dit. Peut-être que si dès le départ nous l’avions été, ce soi-disant ‘binôme’, mon essor dans cette aventure aurait été tout autre ; j’imaginais déjà plus de popularité aux yeux des autres candidats, parce qu’au fond, je pense que l’image négative mais fausse qu’ils avaient, pour la plupart, de Beau avait affectée la mienne –l’exemple ici même, sous prétexte qu’il était mon Ken, j’étais sa garce de Barbie, bref- ; Je ne lui en voulais pourtant pas, je ne pouvais pas à lui en vouloir, je devais malgré tout être la seule fautive. Peu importe. Peut-être que je ne l’apprécierais pas autant non plus, Beau,… je n’aurais pas eu l’occasion de le connaître comme je le connais grâce à la proximité et à la complicité qu’implique le fait d’être ‘binôme’, et j’aurais même pu succomber à la sottise que disent ces foutus rumeurs et préjugés. Mais là n’était pas le sujet et ainsi, je sortais de mes suppositions loufoques et invraisemblables pour en revenir à la réalité. Je lui partageais ma cigarette. Il l’attrapa d’entre mes doigts. ‘Un baiser indirect, quelle chance.’ Je riais. Quel sot. Aller, si ça lui faisait plaisir, qu’il le prenne, je lui accordais sans regrets. Je n’ajoutais rien. Un sourire discret bordait mes lèvres alors que je l’observais s’amuser avec la fumée qu’il recrachait avant que je ne tire à nouveau sur la clope qu’il venait de me rendre. J’allais les enchaîner, les cigarettes, l’ambiance était propice à la consommation, ça restait pourtant inexplicable. Il déposa sa bière entre nous. J’en déduis qu’il me donnait l’autorisation de me servir. J’en aurais bien envie. J’avais soif, mais merde, déjà que la clope au bec, ce n’était pas ce qu’il y avait de plus chic pour une jeune femme, ajoutais-y à présent la bière et aussitôt vous je me transformais en la femme la plus masculinisée sur Terre –Lizzie, dites-vous ?-. Puis il me demandait pourquoi j’avais pu penser qu’il était son binôme. Bonne question. J’hésitais un instant avant de lui répondre. « … t’as une bonne tête. » dis-je tout d’abord en haussant les épaules furtivement. Autant être franche, directement. Il n’était pas moche. Loin de là même et c’était malheureusement loin de jouer en sa défaveur. « Tu me plaisais bien… » avouais-je ensuite alors que je déposais un instant mon regard sur lui. Mouais, je paressais presque trop sérieuse pour le coup. Après lui avoir dévoiler un délicat sourire, je tournais légèrement la tête pour tirer une nouvelle latte sur ma cigarette.

Je lui avais finalement demandé ce qui avait pu lui faire penser que j’étais son binôme, lorsqu’il s’agissait de les chercher. C’était plus une perche tendue à une petite liste d’adjectifs peu glorieux me concernant, histoire de me rendre la monnaie de ma pièce concernant ce que j’avais moi-même dit. Le bâton pour me faire frapper. Mais elle n’en a rien fait. Elle répond simplement qu’elle me trouve une bonne tête. Je tourne la tête pour la regarder, hésitant sur le sens de ses paroles. Et qu’est-ce que ça veut bien dire, pour elle, avoir une « bonne tête » ? « Je vois. » Non, pas du tout, mais bon. J’hausse à mon tour les épaules et attrape la bière pour en prendre une gorgée. Une bonne tête. Elle ajoute ensuite, plus précisément, que je lui plaisais. La gorgée de bière a du mal à passer, mais j’évite d’avoir l’air de m’étouffer, sans pouvoir être épargné d’une montée de rouge sur mes pommettes pour autant. C’est vraiment, vraiment nul de rougir facilement. Ca donne l’air crétin la plupart du temps. M’échappe un léger rire tandis que je repose la bière et lui subtilise la cigarette des doigts furtivement. « Je te plaisais bien ? Je note la marque du passé, dommage. » Je suppose que je ne lui plais plus tant que ça depuis approximativement une vingtaine de minutes, au profit de Beau. Je tire sur la cigarette et la lui rend pour qu’elle le puisse à son tour.

Il rougissait. Si ce n’était pas mignon. Ca me changeait de tous les machistes prétentieux que j’avais plus habitude de fréquenter et ce n’était peut-être pas plus mal. Oui, moi aussi j’ai eu mon ‘genre d’hommes’, le genre bad boy, qui en général nous fait toute craquer mais pour de mauvaises raisons. Ainsi, lui semblait presque gêné. Il me dérobait alors ma cigarette en mettant en avant la ‘marque du passé’, ajoutant par la même occasion un ‘dommage’. Je soupirai doucement, un sourire aux lèvres. « Dommage ? » fis-je remarquer, autant qu’il s’explique à son tour. Mais aussitôt je reprenais. « C’est pas pour autant que ça veut dire que tu ne me plais plus… » dis-je me prêtant un air de mystère. Mais autant ne pas se voiler la face. Il me plaisait, c’était indéniable ; je pense par ailleurs que mon comportement m’avait déjà trahi. J’arrivais rarement à dissimuler mes ressentis de toute manière, et étrangement, je ne savais pas si c’était bien ou mal. Peut-être des deux. Je reprenais ma clope, tirais une unième fois dessus avant d’expirer la fumée sur le côté. Je lui donnais la fin. En échange, je pris une gorgée de bière. Finalement oui, je me laissais tenter. Je grimaçai légèrement en avalant. J’oubliais que je n’aimais même pas ça en plus.

Voilà, j’ai décidé que, à partir de maintenant, à chaque fois que je serais en présence d’une représentante de la gente féminine, je me foutrais un sac en papier avec deux trous pour les yeux sur la tête. Comme ça, je pourrais rougir en paix, et j’aurai pas beaucoup plus l’air ridicule que d’habitude. Ouais, je vais faire ça. Ocyllie me fait remarquer le ‘dommage’ que j’ai ajouté à la fin de ma phrase. Je me pince les lèvres. Ca m’arrache toujours la langue de dire à une femme qu’elle me plait, quand le contexte est sérieux du moins. Quand cela ne se devine pas vraiment que je parle avec sincérité, c’est plus facile. Il suffisait de me voir lors du prime, à devoir avouer qu’entre Cassy et Quin, je préférais la seconde. J’aurais préféré qu’on me fasse manger mes cheveux. Mais bon, j’ai désormais un mauvais pressentiment concernant Quincy. Je ne sais plus quoi penser d’elle. Encore moins avec Ocyllie à côté de moi. Elle avoue, de manière détournée, que je lui plais toujours. J’esquisse un sourire en faisant glisser mon regard sur elle. J’hésite à dire quelque chose, du genre, qu’elle me plais aussi, d’où le ‘dommage’ précédemment. Mais je me ravise, me laissant le temps de tirer sur la cigarette qu’elle me laisse, puis me lever et faire quelques pas pour l’écraser dans le cendrier. « Ca va sûrement te passer. Il parait que je ne suis pas supportable plus de deux semaines. » Véridique, malheureusement.

Je l’observais se lever, écraser un nouveau mégot dans le cendrier, alors qu’il me disait que ça allait sûrement passer. Il se dit supportables deux semaines. Je soupirai un léger rictus, nerveux, sans aucun doute. Je ne le comprenais plus. J’avais l’impression qu’il me repoussait, juste après avoir fait le contraire. Il était indécis, ou simplement malhabile. Ou les deux. Pourtant, je l’avais supporté jusqu’à là, et au meilleur de sa forme, me semblait-il. J’arquai doucement mes sourcils alors que je me glissais du muret, pour me remettre sur pattes. Je m’approchais alors de lui, peut-être même de trop près. « Pourquoi tu dis ça ? » lui demandai-je, pourtant. Je ne l’imaginais pas manquer de confiance en soit à ce point. Il ne m’avait jamais fait penser qu’il manquait de confiance en soit, si ce n’était durant cette dernière dizaine de minutes. Il me semblait presque timide. Je ne comprenais pas. Autant lui demander directement la raison du pourquoi. Je cherchais alors son regard, souhaitant le croiser du mien, se serait-ce que pour ajouter. « Et si ça ne me passe pas ? » dis-je, ne sachant pour autant contenir un bien discret sourire en coin. A m’entendre, j’avais presque l’impression d’être malade. C’était loin d’être le cas. Je lui disais simplement qu’il me plaisait. Ce n’est pas le genre de chose qui ‘passe’. Après tout, c’était une affaire de goût, pas de sentiments. « Mais je te tiendrais au courant. » finis-je par dire. C’était peut-être son intention après tout, me dégoûter de sa personne. Mais joueuse, je serais presque prête à relever le défit que, non, je ne me défilerais pas sous prétexte qu’il a la réputation d’être insupportable au bout de deux semaines.

Ocyllie quitte à son tour le muret et me rejoins. Plutôt proche de moi, elle demande pourquoi j’ai déclaré ne pas être supportable plus de deux semaines. Un sourire amusé apparait sur mes lèvres, un léger rire m’échappe. « J’en sais rien, ce n’est pas moi qui dit ce genre de choses. Ca vient plutôt de… Um… Ces demoiselles dont je te parlais tout à l’heure. » Je supporte pas de dire le mot « ex », et encore moins d’en causer. Ca donne un côté névrosé, je trouve ; l’air du mec trop sensible traumatisé par ces mauvaises expériences, vous savez, le pauvre cœur brisé et désabusé. Non, pitié. Je me méfie, mais je n’en suis pas encore là. « Personnellement, je me supporte plutôt bien depuis vingt-sept ans. » Je me traite souvent de crétin, d’imbécile, je me trouve souvent ridicule et emmerdant, mais je fais avec. On est comme on est. Mais je peux comprendre qu’on dise de moi que je ne suis pas supportable plus d’une poignée de jours. Je pense que Orlando serait particulièrement d’accord, d’ailleurs. Alors qui sait, peut-être qu’Ocyllie fera partie de ces personnes. Elle a eu pas mal de bonne volonté à m’aider à me dépêtrer de mes bourdes made in Gabriel, mais je doute qu’elle soit capable d’en faire preuve plus longtemps. Pourtant, elle met en doute mes paroles. Et si ça ne lui passait pas ? Je trouve son regard, un léger sourire ne me quittant pas. « J’espère bien que ça ne te passera pas. » Elle me tiendra au courant. « J’ai hâte de voir ça. » je réponds avec un petit air de défi semblable au sien. Oui, je serais curieux de voir le temps qu’elle tiendrait, comment cela pourrait évoluer. Qui sait.

Encore la faute à ces demoiselles. Elles ont dû l’irriter le pauvre. Et dire qu’il m’avait comparé à ces harpies. J’en déduisais qu’il avait donc rarement connu des relations de plus de deux semaines… Finalement pas mal de choses s’expliquaient. Néanmoins, il me fit sourire. D’autant plus quand il affirma qu’il était bien arrivé à se supporter depuis vingt-sept ans. Ce n’est pas comme si il avait eu d’autres choix. Il m’avouait qu’il espérait que ça ne me passerait pas. Qu’il avait hâte de voir ça. « Ca ne me passera pas. » affirmai-je en hochant légèrement la tête de droite à gauche. « …j’en ai pas envie. » ajoutai-je plus doucement. Je plongeais mon regard dans le sien, un sourire malicieux sur le bout de mes lèvres. J’avais envie de bien des choses à ce moment précis, bien trop de choses, même. Comme de me chercher un gilet, car même si le temps était clément, une brise fraîche s’était levée, de siroter une bouteille de vodka en regardant le coucher de soleil, de dormir la belle étoile, de rêver d’une vie que je n’aurais jamais, de danser sur une chanson des années soixante-dix, de m’approcher d’un pas de lui, de lui faire un bisou tout en caressant sa nuque, de m’évader, de regarder un vieux film pourri, de fumer six clopes à la fois et de crier au monde à quel point je suis entourée de cons. J’avais envie de pleins de choses inutiles ou irréalisables, mais j’en avais envie. Ainsi, j’étais face à lui, les yeux toujours dans les siens, sans avoir la moindre envie de m’en détacher. J’avançai d’un petit pas, auscultai son visage avec attention, interpellée par chacun de ses détails. Mon regard se posa un instant sur ses lèvres ; la tentation était grande. Très grande. Trop grande ; trop pour que j’y résiste. Je déposais délicatement mes mains sur son buste, et de quelques doigts, je m’agrippais à son t-shirt ; je craignais qu’il s’enfuît, ou que je l’effraye. La proximité de nos visages n’arrangeait en rien mes craintes, pourtant, elles se dissipaient alors que nos souffles se confondaient. Je fermais mes yeux. J’étais prête à lui dérober un baiser. Mais je ne le fis pas. Finalement, je décalais mon visage pour déposer un baiser sur sa joue. C’était mieux ainsi, je pense. Je me retirais, doucement. « Je crois que je vais rentrer. » dis-je derrière un sourire presque gêné. Je ne doutais pas que c’était ce que j’avais de mieux à faire, à présent, pour nous ou simplement pour moi.

Comment peut-elle affirmer que ça ne lui passera pas ? Elle prétend qu’elle n’en a aucune envie. Mais je continue à penser qu’elle a tort. Elle ne me connait pas vraiment, elle ne sait pas grand-chose de moi. Cela se sait, ne serais-ce que parce qu’elle m’avait abordé en m’affublant du sobriquet à la mode. Le Lover. Je le trouve plutôt infondé. Qui sait si en me connaissant mieux, une personnalité qui lui déplairait de ma part n’irait pas prendre le pas sur le fait que je lui plais, sûrement uniquement physiquement. Elle n’en a pas envie, mais s’il doit en être ainsi, alors elle n’y pourra rien. Mais plutôt que de me dire qu’elle finira par se lasser de moi, je préfère boire ses paroles. En être flatté, quoi qu’un peu gêné. Et penser, espérer, qu’elle dit vrai. Mon sourire n’a pas totalement disparu ; il demeure en un pli tendre au coin de ma bouche. Elle s’avança un peu plus de moi. Elle qui était déjà dangereusement proche n’était plus qu’à une poignée de centimètres. Je gardais mon regard incrusté dans le sien, sans désirer m’en détourner. Les secondes passèrent, s’amusant dans le temps à faire preuve de cette étrange lenteur qui semble toujours trop rapide pourtant. Je sens ses mains se poser sur moi. J’ai l’impression qu’elles sont brûlantes, et que cette chaleur me traverse de part en part. Plus elle s’approchait, plus j’étais sujet à cette tétanie m’empêchant de respirer, et ce désir qu’elle s’approche encore plus. Paupières mi-closes, je devine un baiser qui ne viendra jamais. Elle ne fait que me frôler, jusqu’à ma joue. Et là seulement se posent ses lèvres. Mon cœur semble se serrer si fort qu’il s’en replie sur lui-même. Je sors d’une courte léthargie par sa voix. Elle veut rentrer. Je ne suis pas aveugle, je comprends pourquoi. J’hoche la tête pour acquiescer. Sans rien oser dire. Je passe une main derrière sa tête, entre ses mèches blondes, et dépose un baiser sur son front. Oui, c’est tout. Je lui adresse un sourire, ne voulant pas qu’elle se sente gênée. « A plus tard ? » Je demande doucement. Je dégage ma main de ses cheveux avec un détour par sa joue ; j’y récupère une mèche à replacer derrière son oreille.

Si seulement il avait osé me repousser, j’aurais pu m’accorder une raison de le haïr. Ce n’était pas le cas. A vrai dire, je n’avais même pas su remarquer s’il avait été réceptif, ou non. Peut-être l’avais-je brusqué au point de l’avoir pétrifié, d’où le fait qu’il m’ait été aussi accessible. Mais les gestes qui suivirent me laissaient penser le contraire. Il glissa l’une de ses mains dans mes cheveux, m’embrassa le front. Je ne compris pas pourquoi. Néanmoins, je n’osais pas me pencher sur la question. Mon geste, aussi, avait été inexpliqué. Inexpliqué au point que je ne souhaitais pas, moi-même, y chercher des réponses. Ainsi, je me contentais de l’accueillir, de l’apprécier. Je déposai l’une de mes mains sur son coude, la remontai sur la sienne alors qu’il me recoiffer une mèche rebelle derrière l’oreille. Nous aurions pu être les acteurs d’une foutue comédie romantique. Grotesque, hm. J’ai toujours détesté les comédies romantiques. Je n’arrivais jamais à m’y identifier et n’en ai jamais connu l’envie. Malgré cela, je ne l’étais pas, actrice ; j’aurais pourtant aimé le prétendre, et à ma connaissance, il ne l’était pas plus. Pourtant, la scène était clichée à en faire crever l’originalité ; faute à moi et d’insaisissables pulsions sans nom. Pendant quelques secondes, je baissai mon regard, avant de le remonter, trouvant une nouvelle fois le sien, un délicat sourire flottant sur mes lèvres. J’avais trouvé ses doigts de ma main, les avais attrapé, les retenais captif entre les miens ; d’une manière innocente, si ce n’est presque inconsciente. Je ne voulais pas partir, tout en le souhaitant. Mon corps se déchirait en deux alors je n’arrivais pas à me décider. Finalement, je choisissais la facilité. Je m’évaderais. « A plus tard... » répondis-je alors que je faisais quelques pas en arrière, ce même sourire lié sur le coin de ma bouche. Je le libérai de l’étreinte de ma main dans un demi tour alors que je quittais la terrasse.

Je n’avais pas envie de la laisser s’en aller, et pourtant je l’y poussais. Je me dis que, de toute manière, nous sommes tous enfermés ensemble dans ces villas. Nous nous recroiseront bien plus tôt qu’on ne se l’imaginait. Cela ne nécessitait pas d’Adieux déchirants. Ni tous ces regards baissés, ni ces sourires timides, ni toutes ces idioties niaises. Je suis sûrement troublé, par le geste qu’elle a eu. Et que j’étais prêt à recevoir. Soudain et inattendu. A plus tard, elle répond à son tour, en lâchant ma main. Elle me tourne le dos et s’en va. Un rire se glisse dans mon soupir, tandis que je retourne me poser sur le muret. J’arrive même plus à mettre de mots sur ce qui s’est passé en une poignée de minutes. De secondes. Putain. J’ai envie d’attraper ma bière et une clope en même temps. Alors je ne fais rien, le temps de rééquilibrer mes pensées. D’abord la gorgée de bière. Puis la cigarette. Un baiser indirect. Je souris. Je souris comme les crétins des films pour filles. Après un instant, je me rallonge sur le muret, le regard posé sur le ciel. A moi, à nouveau, le coucher de Soleil.