LE DIMANCHE 06 MAI 2012 – 19h52
☞ Abbie

J'ai faim. « J'ai faim. » Voilà, comme ça, tout le monde le savait et tout le monde en était bien content, j'en étais persuadé. En attendant, mon estomac criait famine et j'avais juste envie de lui dire de la fermer. La bonne chose étant que je me trouvais dans la villa avec le cellier. Encore heureux. Vous imaginez ? Vous crevez la dalle en pleine nuit et faut aller dans l'autre baraque pour bouffer ? La blague. Alors, ouais, je pourrais plaindre les autres qui se trouvent dans la villa sans cellier mais non. Parce que je m'en fous pas mal. C'est moi qui compte pour le moment. Et mon estomac. « Putain, j'ai faim. » Je réitère, des fois qu'une âme généreuse voudrait bien faire de la bouffe pour ma gueule d'ange... Non, personne ? Sympa. Je n'avais plus qu'à me rendre dans le cellier pour trouver de quoi manger. Alors, c'est que j'ai fait. J'ai levé mes fesses du lit pour me rendre dans la petite pièce, ouvrant la porte en la poussant brusquement de la main. Je continue mon chemin et j'entre. Et là, petite blonde. Elle a l'air... blonde. Et je n'ai aucune idée de son prénom. Un haussement d'épaules plus tard, je continue de la fixer, jusqu'à capturer son regard quand le sien croise le mien. Logique. « Femme, prépare-moi à manger. » Je vais me prendre une gifle, vous croyez ?

Avec la chance que j'avais, je me trouvais dans la villa ne possédant pas le cellier. Non, ils étaient sérieux? Je n'étais pas du genre gourmande mais quoi de plus appétissant que de se dire qu'on n'a pas le placard sous la main au cas où. C'était ça le problème des régimes. La frustration est tellement grande que lorsqu'ils ont enfin perdu, ils croient qu'ils peuvent se permettre de rebouffer. Comme si la bouffe se compensait. Enfin bref, il allait falloir que je me faufile dans l'autre villa. J'enfilai un gilet turquoise et me mis à la recherche du fameux placard. Logiquement, il devrait se trouver près la cuisine. Bingo. Moi qui croyais que ces villas regorgeraient de recoins. Je finis par pousser la porte et entrer dans..non en fin de compte, c'est beaucoup plus grand qu'un placard. C'est n'empêche très injuste qu'ils aient la bouffe à proximité, eux. Je m'approche des étagères et commence à farfouiller. Il me semble avoir entendu un bruit. Je m'arrête deux secondes, puis je me retourne. Et je croise le regard de.. de qui déjà? Ha non, je ne connais pas. Grand, chatain, beau garçon. « Femme, prépare-moi à manger. » Et machiste. Il est sérieux ? Interloquée, je me ressaisis, croise les bras et lève un sourcil, un sourire aux coins des lèvres. Ce serait limite marrant en fait. « Les temps ont changé, belle au bois dormant. Aujourd'hui, ce sont les hommes aux fournaux. » Je me retourne et me remets à la recherche de friandises. Tout en examinant les boites, je me décide à lui demander qui il est. « Et tu es? »

Ma joue semble saine et sauve jusque-là, pas de mains menaçantes à signaler, tout allait très bien. Et que tout le monde se rassure, je suis vraiment pas un macho. Enfin pas tous les jours de la semaine. Non, pas vraiment en fait. Et là, ce n'était pas une preuve de machisme, ni rien, c'était uniquement comme ça quoi. Parce que je dis souvent de la merde, à vrai dire. Mais bon, elle n'a pas l'air d'être la féministe chiante qui se préoccupe plus des nanas qui montrent leurs miches sur les affiches publicitaires plutôt que des pauvres types qui crèvent la dalle dans la rue. Ouais, les féministes, ça me pète les couilles. C'est franchement chiant et ça me donne juste envie de les claquer. Cela dit, claquer une nana, ça serait... moyen, pas vrai ? Heureusement pour tout le monde, la blonde ne s'est pas offusquée. Au contraire. Elle a pris ça plutôt bien, à la dérision. Mais les hommes aux fourneaux ?« Si c'était vrai, je serais sans doute au courant, ma belle. » Ouais, c'est certain... cela dit, je fais souvent ma propre bouffe. C'est ça de vivre seul aussi. Forcément, je vais pas demander au chat du voisin de cuisiner pour moi, ça ne fonctionnerait pas tellement. Donc, au final, je cuisine beaucoup pour un mec. Enfin, je « cuisine ». Je réchauffe des boites de conserve. Qui je suis ? Elle me le demande vraiment ? « L'homme de ta vie, bien sûr. » J'arbore alors un joli sourire en coin, juste parce que ça me fait sourire de sortir une connerie pareille. Moi, l'homme de la vie de qui que ce soit ? Bien sûr ouais, tout le monde y croit. Je suis pas vraiment de ce genre là. Je veux dire, avant qu'une nana pense de moi que je suis l'homme de sa vie... c'est qu'elle sera sacrément désespérée, la pauvre. Ah, au fait... « Et si je ne m'abuse, je ne sais pas non plus qui tu es. » Façon ô combien subtile pour lui demander son identité. Ouais, j'sais.

Encore un pour qui le mot « cuisine » devait se résumer à un jour sur deux, quand c'est sa mère qui lui apporte les restes pour qu'il ne meurt pas de faim. Non en fait, il n'avait pas l'air d'un garçon à sa maman. A priori je dirais beau parleur, un brin provocateur. Le genre de gars qui a prit tôt son indépendance, et même si il ne s'en sort pas, fais en tout cas style que si. Ouais. Il me fait penser à un gars de ce genre. « Maintenant, tu l'es. » Je lui fis un clin d'oeil. Au fond, j'en avais rien à foutre que les hommes cuisinent ou non. L'égalité des sexes et tout ça, c'était loin d'être mon combat. Puis sincèrement, ma cuisine se résume qu'à du basique. Je fais pas dans la sauce moi. L'homme de ma vie? Il sort ça avec un sourire de prince charmant en plus. Je tire mon chapeau, on croirait presque que c'est vrai. Dommage qu'il n'y croit pas plus, ça aurait été mieux joué que dans les films. « Dis-moi, t'as déjà fais craquer une fille avec ce genre de phrase? Parce que si c'est le cas, vu comment t'es convaincu, elles ont du partir en courant tes conquêtes. » J'etouffai un léger rire avant de remettre les mèches de mon visage en place, m'empêchant d'être prise au sérieux.
« Si je te dis la femme de ta vie, tu me crois pas, non? » Trêve de plaisanterie. « Abbie. » Je lui tends la main des plus solenellement. C'est toujours mieux qu'un « enchanté » répété trente six fois la veille et l'avant-veille. « Inutile de te demander ce que tu fiche dans le cellier ? » En même temps, c'est censé être son cellier. C'est plutôt moi l'intrue. Oh et puis non, ils n'avaient qu'à pas leur laisser la bouffe à eux. Je me dirigeai vers le paquet de chips que j'avais repéré quelques minutes auparavant. Il me faisait de l'oeil depuis un moment. J'ouvrai le paquet et lui tendit.

Femme ou homme aux fourneaux, honnêtement, j'm'en fous. Ça change pas grand chose pour moi, puisque je sais bien que c'est toujours moi qui fera ma propre bouffe à l'avenir et sûrement que ça sera la même chose dans ce jeu. Et ça me convient assez, je suis plutôt compliqué, parfois, niveau nourriture. Et je préfère quand je le fais moi-même, ça colle toujours mieux à mes envies. Et puis, ce n'est pas tout ça, mais j'ai toujours faim. Bref. Je lui ai sorti que j'étais l'homme de sa vie. Crédibilité ? Zéro. Dommage. D'ailleurs, elle me fait bien remarquer que je suis pas trop dans le rôle et que c'est pas tout de suite qu'une nana craquera pour moi avec ce discours. Tant mieux, quelque part. « Faire craquer les filles, ce n'est pas mon domaine, désolé. » que je lance en un rictus. Stricte vérité. Les nanas tombent difficilement sous mon « charme ». Ça n'arrive que très très rarement. Et je suis compliqué alors c'est tout aussi difficile pour moi de tomber sous le charme d'une nana. C'est comme ça. « Si ça marche sur toi, cela dit, n'hésite pas à me le dire, que je note comment j'ai fait.  » Je prends ça à la dérision, bien sûr. Comment pourrait-il en être autrement ? Bref. Elle me réplique qu'elle est la femme de ma vie. J'aurais presque envie d'y croire, t'sais. Mes lèvres s'étirent en un sourire. Mais bien rapidement, elle se présente plus solennellement. Abbie donc. « Blake. » Il faut bien que je me présente à mon tour, quand même. Sinon, elle va m'appeler « homme de ma vie » à chaque fois qu'elle me croisera et ça me mettra mal à l'aise. Ce que je foutais dans le cellier ? Inutile de le demander, en effet. Je lui sors une connerie ou non ? « Eh bien, j'avais faim alors... » Ah, bah non, j'lui lance pas une connerie. Étonnant.

Ce n'était donc pas son domaine de faire craquer les filles. Pas étonnant. Il n'avait pas l'air du genre à y prêter attention. Son trip, ça devait être une fille=une nuit. Ou alors.. « Peut-être que ton domaine, c'est de faire craquer les mecs alors? Enfin tu sais moi ça ne me gène pas du tout. » J'essayai de rester sérieuse mais j'aurais bien eu envie de rire. Rien de mieux que de le piquer au vif. Juste pour voir sa tête. Et puis qui sait, hein. De toute manière, on ne peut pas s'interesser ni aux filles, ni aux garçons. Même si on veut s'en convaincre. Ce genre de déclaration me faire craquer ? Hm, non. C'est le genre de phrase qui sont sorties soit par des beaux parleurs menteurs, soit par des romantiques qui ne jurent que par le mariage. Dans les deux cas, ce n'est pas vraiment mon style. Pas du tout même. « On ne me fait pas craquer avec ce genre de déclaration. En revanche, ça c'est un argument à ne pas négliger. » Et je pose mon doigt le haut de son torse. Ouais. Le physique c'est important. Je lui dis que je suis peut être la femme de sa vie. Il sourit. M'ouais, peut être qu'en fait je suis aussi convaincante que lui. Ce jeune homme est donc Blake. Ca lui va bien. Présentations faites, c'est d'un air limite penaud qu'il m'avoue qu'il a faim. Etonnant qu'il n'ait pas fait de blague. « Ca te dit un pique-nique au millieu du cellier ? » D'accord, moi et mes idées à la con. M'enfin, je suis bien ici. De toute manière j'étais venue pour ça, manger.

Faire craquer les filles ? Pff, n'importe quoi. Je suis un peu un crevard, quand même, faut le dire. Le genre qui laisse la nana payer tout le dîner, en fait. Mais j'assume hein, j'assume à fond. Au moins, maintenant, Abbie est au courant. Elle suggère que je fais plus craquer les mecs. Lol. Non, non plus. Les mecs, c'est pas mon truc. J'aime les femmes et uniquement les femmes. « Je sais que ça te briserait le cœur que j'avoue un truc pareil, donc, ne t'inquiète pas, j'aime les femmes. » Et là-dessus, pur sourire de con. Je suis une tête à claques, sans rire. En attendant, j'ai suggéré que si elle craquait, elle pouvait me le dire. J'suis ouvert à tout type de discussions, qu'on se le dise. Mais non, elle n'est pas encore sous mon charme, malgré l'immense effort que j'avais fait. Dommage. Toutefois, son doigt désigne mon torse et elle dit que ça peut être un argument. Comme un abruti, je baisse les yeux pour observer mon t-shirt puis je regarde la belle, arquant un sourcil. « Ça ? » que je fais, comme pour lui demander d'approfondir sa pensée. Puis après les présentations, elle propose de faire un pique-nique. Genre, ici, là, maintenant. « Je veux bien. » Pourquoi refuser après tout ? « On mange quoi ? » Puisque l'idée est quand même de manger, non ? Alors autant savoir ce qu'on va pouvoir bouffer. J'ai pas tellement d'idées, moi, je l'avoue. Surtout si on pique-nique ici, ça veut sûrement dire qu'on va pas se faire chier à aller dans l'autre villa pour cuisiner donc on va devoir trouver un truc facile à manger, non ? Alors, la demoiselle, elle a des idées ou non ?

Hétérosexuel, donc. Intéressant. Je dois avouer qu'il m'aurait dit l'inverse, j'aurais trouvé ça drôlement dommage. M'enfin, c'est que derrière son apparance de sept nain graincheux et de schtroumpf râleur, il me plaisait bien ce Blake. « T'as raison. Toi gay, ça m'aurait brisé le coeur. » Ca se voulait ironique mais c'est un peu bêtement que je lui rendis son sourire. L'argument à ne pas négliger avait apparemment fait mouche. Il suivit du regard mon doigt et sembla beuguer un instant sur son tee-shirt. Il me regarda plutôt perplexe, en haussant un sourcil. A vrai dire, je n'avais pas tellement réfléchi, c'était sortit tout seul et ma bouche avait suivit. Il me demanda d'expliciter avec un « Ça ? » interrogateur. Je restai là devant lui, en réfléchissant. Que dire ? Je me rapprochai alors de lui jusqu'à ce que seulement quelques centimètres nous séparent. Bon sang, j'étais petite. C'était franchement risible. « Ne me dis pas que ce genre de chose ne te fais pas craquer ? » Si il dit non, j'en prendrai un coup à mon égo. Je remis alors ma main sur son tee-shirt et lui lançai un regard de défi. « Et bien, moi si. » Je lui adressai un énième sourire avant de me détacher de lui. Encore un peu et il m'aurait sans doute prise pour une allumeuse nympho. Enfin.
Il accepta ensuite mon idée de pique-nique. Je me retournai et m'apperçu qu'en fait, les trois quarts des choses étaient le genre d'aliment qu'il fallait au préalable cuisiner. Bon, je m'avançai, je pris deux paquets de chips et pris quelques gateaux salés. « Bon, récapitulons. T'es pas cuisinier, je ne suis pas cuisinière. Alors, ça ne devrait pas te déranger de ne pas manger équilibré ? » Sans attendre une réponse, je lui lançai un paquet de chips et un paquet de gateau. Alors, réflexe ?